Étude de la Loi sur la protection des renseignements personnels
Lettre présentée au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique au sujet d'une étude de la Loi sur la protection des renseignements personnels
Le 13 septembre 2016
Monsieur Blaine Calkins, député
Président du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection
des renseignements personnels et de l’éthique
Chambre des communes
131, rue Queen, 6e étage
Ottawa (Ontario) K1A OA6
Monsieur le Président,
Dans la lettre que j’ai fait parvenir en mars 2016 aux membres de votre comité à l’appui de l’examen que vous menez relativement à la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi), j’ai mis en lumière deux préoccupations concernant le cadre fédéral canadien dans lequel s’inscrit la protection des renseignements personnels, à savoir : l’insuffisance des mécanismes de recours et de réparation en vertu de la Loi, et la nécessité d’améliorer le modèle de l’ombudsman aux fins des enquêtes sur les plaintes.
Il s’agit là d’éléments importants et interreliés à prendre en considération lorsque vous formulerez des recommandations au gouvernement sur la nécessité de réformer la Loi. Dans notre dernier mémoire, nous avons entrepris de fournir au Comité les résultats de nos recherches et de nos analyses approfondies sur ces questions afin d’étayer votre étude de la Loi et le rapport subséquent.
Refonte du rôle du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le Commissariat)
Depuis la création du Commissariat en 1983, le commissaire joue un rôle qui s’apparente à celui d’un ombudsman dans les différends relatifs à la protection de la vie privée. À ce titre, j’assure le respect de la Loi au moyen d’enquêtes et de vérifications, et je formule des recommandations non contraignantes. Comme vous le savez, je ne dispose pas à l’heure actuelle du pouvoir de rendre des ordonnances. Même si je peux mener des enquêtes sur les plaintes qui concernent l’ensemble des droits et des mesures de protection en vertu de la Loi, et formuler des recommandations à cet égard au gouvernement, il n’est pas possible d’obliger les ministères à prendre des mesures ou à mettre fin à des actes, à moins que l’affaire concerne un refus d’accès, qu’elle se rende devant la Cour fédérale pour une audition de novo et qu’elle donne lieu à une ordonnance de la Cour.
Parallèlement à mes activités d’enquête, il m’incombe de promouvoir le droit à la vie privée d’autres manières. Ainsi, je formule des commentaires sur les textes de loi devant le Parlement, je consulte les ministères au sujet de différentes initiatives ayant trait aux renseignements personnels, j’examine et je commente les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, et j’interviens dans les procédures devant la Cour, pour lesquelles je prends parfois l’initiative.
Étant donné que je ne dispose pas à l’heure actuelle du pouvoir de rendre des ordonnances, les différents rôles que j’exerce — à la fois à titre d’enquêteur et de défenseur du droit à la vie privée — sont compatibles et ne posent aucun problème sur le plan juridique tant que je respecte les principes de l’équité procédurale et que je prête attention aux fonctions distinctes que j’attribue aux différentes directions qui constituent mon organisation. Au cours de l’été, je me suis également penché sur la question à savoir si cet exercice délicat serait altéré, du point de vue du droit administratif et des conflits d’intérêts, dans le cas où le pouvoir de rendre des ordonnances m’était conféré. En effet, serais-je en mesure de continuer à promouvoir de façon proactive le droit à la vie privée des Canadiens si je devais également être un arbitre impartial dont les décisions auraient des répercussions directes sur le droit des parties?
Dispositions relatives au pouvoir de rendre des ordonnances
Je constate que, tout au long de votre étude, et de celle visant la Loi sur l’accès à l’information, la question du pouvoir de rendre des ordonnances est récurrente. Le Commissariat à l’information du Canada a fait valoir que le modèle actuel de l’ombudsman n’est pas le modèle le plus efficace et qu’il peut présenter des difficultés bien réelles pour les citoyens qui veulent obtenir un recours. J’appuie ce point de vue sans réserve comme je l’ai mentionné dans le mémoire que je vous ai présenté au sujet de l’étude de cette loi en mai 2016.
Même si la plupart des institutions souscrivent en définitive à mes recommandations non contraignantes, beaucoup de temps peut s’écouler avant d’aboutir à une conclusion satisfaisante en raison du manque de motivation dans un régime qui repose en très grande partie sur l’observation volontaire. De tels délais sont incompatibles avec l’objectif visé par le modèle de l’ombudsman, lequel consiste à fournir des mécanismes de recours rapides et à moindre coût pour veiller à ce que le droit à la vie privée des personnes soit respecté.
Lors de mon dernier témoignage, j’ai indiqué que je ne cherchais pas à obtenir, à l’époque, le pouvoir de rendre des ordonnances, et qu’il y avait lieu d’envisager d’autres possibilités, dont le modèle « hybride » selon lequel le Commissariat à la vie privée de Terre‑Neuve‑et‑Labrador mène ses activités aujourd’hui. Étant donné les rôles essentiels de promotion et d’arbitrage qui sont en jeu, ainsi que les risques qui sont potentiellement associés au pouvoir de rendre des ordonnances, notre Commissariat s’est engagé à approfondir la question afin de déterminer les moyens d’atténuer ces risques.
Après avoir examiné la question avec soin tout au long de l’été, je suis maintenant d’avis qu’il serait préférable, à l’échelon fédéral, d’adopter le pouvoir de rendre des ordonnances plutôt que le modèle hybride. En effet, nous avons conclu qu’il existe bel et bien des risques juridiques lorsqu’un organe exerce à la fois des fonctions d’arbitrage et des fonctions de promotion. Cependant, nous estimons qu’il est possible d’atténuer ces risques en grande partie en séparant de manière nette les deux fonctions mentionnées précédemment au sein du Commissariat. Il faut préciser qu’une telle séparation des fonctions entraînerait une certaine restructuration organisationnelle et des coûts additionnels. Selon nous toutefois, les risques et les stratégies d’atténuation nécessaires seraient les mêmes que dans un modèle hybride, comme celui qui existe à Terre-Neuve-et-Labrador. À la lumière de tout ce qui précède, je recommande maintenant de modifier la Loi de manière à remplacer le modèle de l’ombudsman par un modèle selon lequel le commissaire à la protection de la vie privée se verrait confier le pouvoir de rendre des ordonnances.
Si les pleins pouvoirs de rendre des ordonnances étaient conférés au Commissariat, notre recommandation antérieure visant l’élargissement de la disposition relative à la révision par la Cour fédérale prévue à l’article 41 de la Loi deviendrait probablement caduque. En effet, les personnes n’auraient pas besoin de demander une audition de novo auprès de la Cour fédérale afin d’exercer leur droit de recours, car elles pourraient obtenir réparation directement auprès du Commissariat. En outre, les ordonnances seraient assujetties à un contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Ainsi, les ministères qui voudront contester mes ordonnances devront prendre l’initiative de ces procédures, supporter le fardeau de la preuve et se fonder sur une preuve plus restreinte. Cette méthode inciterait les ministères à faire montre d’une plus grande ouverture et d’une plus grande rapidité lorsqu’il s’agit de présenter leur dossier au Commissariat au début du processus, sachant qu’ils devraient généralement s’en tenir à ces éléments de preuve si l’affaire venait à faire l’objet d’un contrôle judiciaire devant les tribunaux.
Je suis disposé à continuer d’aider le Comité à réaliser cette étude importante. N’hésitez pas à communiquer avec moi par l’entremise de mon agent des affaires parlementaires, Pierre‑Luc Simard, au 819-994-6015, pour prendre les dispositions nécessaires.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes sincères salutations.
Le commissaire,
(La version originale a été signée par)
Daniel Therrien
c. c. Michel Marcotte, greffier du comité, ETHI
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