Article 47 du projet de loi C 15, Loi no 1 d'exécution du budget de 2016
Mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des finances nationales
Le 3 juin 2016
L'honorable Larry Smith, sénateur
Président du Comité sénatorial permanent des finances nationales
Sénat du Canada
Ottawa (Ontario) K1A 0A4
Monsieur le Sénateur,
Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer le point de vue du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada concernant l'article 47 du projet de loi C 15, Loi no 1 d'exécution du budget de 2016, et sa conformité aux lois fédérales sur la protection des renseignements personnels au Canada. J'espère que nos observations seront utiles au Comité sénatorial permanent des finances nationales dans l'étude préalable du projet de loi et qu'elles répondront aux questions soulevées par les membres du Comité au cours de votre réunion du 17 mai 2016.
La présente porte sur l'article 47, qui modifie la Loi de l'impôt sur le revenu, mais elle prend aussi en compte les dispositions du projet de loi qui modifient de façon similaire d'autres lois du Parlement. Ces dispositions particulières sont assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui régit les pratiques de traitement des renseignements personnels adoptées par les ministères et organismes fédéraux, notamment l'Agence du revenu du Canada (ARC) et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).
Modifications visant à faciliter l'échange de renseignements pour le recouvrement de dettes non fiscales [par. 47(1)]
Ce paragraphe vise à modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu afin de permettre la communication de « renseignements sur des contribuables » à un fonctionnaire de l'ARC aux fins du recouvrement de sommes dues dans le cadre de certains programmes fédéraux et provinciaux. Les paragraphes 67(3) et 75(4) du projet de loi C 15 modifieraient de façon similaire respectivement la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de 2001 sur l'accise.
Nous comprenons que ces modifications visent à permettre l'échange de renseignements entre les fonctionnaires de l'ARC qui s'occupent de perception fiscale et ceux qui s'occupent de dettes non fiscales. Le but est d'éviter le double emploi et de simplifier les interactions des particuliers avec l'ARC.
Dans la mesure où les renseignements communiqués se limitent à ceux qui sont nécessaires aux fins mentionnées — soit le recouvrement par l'Agence des sommes dues — et où l'utilisation des renseignements est conforme à ces fins, une loi ainsi modifiée respecterait la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 1.
En outre, si les modifications sont adoptées, il incombera à l'ARC de mettre en œuvre l'échange de renseignements conformément aux politiques et aux documents d'orientation du Secrétariat du Conseil du Trésor en matière de protection des renseignements personnels.
Modifications visant à permettre l'échange de renseignements avec l'actuaire en chef [par. 47(2)]
Ce paragraphe propose de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de permettre l'échange des renseignements sur des contribuables uniquement en vue de permettre à l'actuaire en chef du BSIF d'effectuer des révisions actuarielles des régimes de pension établis en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse conformément aux exigences de la Loi sur les rapports relatifs aux pensions publiques.
Nous savons que ces modifications, sous leur forme actuelle, visent à faciliter le travail de l'actuaire en chef et à lui permettre de s'acquitter des fonctions qui lui incombent en vertu de la loi. Cela dit, le mode de communication de ces renseignements à l'actuaire en chef est important. Puisque la fin déclarée du paragraphe concerne les révisions actuarielles — soit la collecte de données et l'analyse de statistiques dans le but de calculer les risques et les primes prévus pour les régimes de pension précisés et non pour des personnes en particulier —, il n'est pas nécessaire que les renseignements communiqués permettent d'identifier les personnes en question. Les tribunaux ont établi que « [l]es renseignements seront des renseignements concernant un individu identifiable lorsqu'il y a de fortes possibilités que l'individu puisse être identifié par l'utilisation de ces renseignements, seuls ou en combinaison avec des renseignements d'autres sourcesNote de bas de page 2 ».
Si des renseignements personnels sont communiqués à l'actuaire en chef, les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels régissant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels s'appliquent.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi semble permettre l'échange de renseignements personnels dans les cas où une information anonymisée serait suffisante. Cette situation pose problème du point de vue de la vie privée, car l'échange devrait se limiter aux renseignements personnels nécessaires aux fins de l'actuaire en chef.
Les fonctionnaires du ministère des Finances qui comparaissaient devant votre comité le 17 mai 2016 ont indiqué que les renseignements devant être communiqués en vertu de cette disposition seront des données masquées afin de protéger la vie privée des contribuables. Ce constat nous amène à comprendre que l'intention du gouvernement est de « masquer » ou de désidentifier l'information, ce qui devrait se faire de manière à garantir qu'il sera impossible de les réidentifier.
De façon idéale, cette intention devrait être traduite explicitement dans le projet de loi. Nous estimons qu'elle devrait à tout le moins être confirmée dans une entente conclue entre le ministère qui communique les renseignements et l'actuaire en chef. D'après ce que nous comprenons, le Bureau de l'actuaire en chef prévoit de mettre en place des ententes sur l'échange de renseignements. Il s'agirait d'ententes officielles répondant aux finalités du paragraphe 47(2) du projet de loi C 15. Ces ententes prévoiraient des mesures de protection de la vie privée limitant la collecte, déterminant des périodes de conservation et établissant des règles pour la destruction des renseignements. Toujours selon ce que nous comprenons, l'information qui serait partagée ne comprendrait pas tous les renseignements sur les contribuables, mais elle engloberait certaines données se limitant à celles qui sont nécessaires pour permettre au Bureau de l'actuaire en chef de s'acquitter du mandat que lui confère la loi. Ce type d'entente atténuerait grandement nos préoccupations concernant la protection de la vie privée à l'égard du projet de loi.
Encore une fois, nous vous remercions d'examiner notre point de vue concernant l'article 47 du projet de loi C 15, Loi no 1 d'exécution du budget de 2016. Nous espérons que ces renseignements vous seront utiles dans l'étude du projet de loi. Si vous avez besoin de renseignements supplémentaires, n'hésitez pas à nous en faire part.
Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l'expression de ma considération distinguée.
Le commissaire,
(La version originale a été signée par)
Daniel Therrien
c.c. Gaëtane Lemay, greffière du Comité
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