Comparution devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées sur l’étude du projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l’impôt sur le revenu
Le 2 mai 2016
Ottawa (Ontario)
Déclaration prononcée par Daniel Therrien
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi)
Introduction
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invité à vous parler du projet de loi C-4.
En mai 2015, j’ai comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles pour formuler des commentaires sur l’une des dispositions législatives du projet de loi C-377, que propose d’abroger le projet de loi maintenant à l’étude.
Notamment, ces dispositions imposaient aux syndicats des exigences de divulgation publique sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Ma prédécesseure a comparu devant la Chambre des communes en 2012 et devant le Sénat 2013 pour parler de la même question.
Comme ce fut le cas lors de ma dernière comparution, mes remarques seront d’ordre très général.
D’abord, sur le plan de la politique générale du gouvernement, j’appuie entièrement les efforts qui visent à favoriser la transparence et la reddition de compte, y compris dans le cas des syndicats.
Il s’agit de principes organisationnels fondamentaux pour une bonne gouvernance, qui sont à la base d’institutions démocratiques solides et efficaces.
Toutefois, la transparence n’est pas une fin en soi; elle ne peut constituer un objectif absolu au détriment d’autres considérations.
Compte tenu de mon rôle et de mon mandat, j’estime que la protection de la vie privée fait partie des aspects positifs à mettre en balance.
Il faut établir un équilibre entre les efforts en faveur de la transparence et la nécessité de protéger les renseignements personnels.
Projet de loi C-377
Le projet de loi C-377 visait à assurer la transparence des activités des organisations syndicales et, par conséquent, à favoriser la reddition de comptes à cet égard. On devait atteindre cet objectif en exigeant la publication des renseignements suivants :
- la rémunération des employés lorsqu’elle est supérieure à 100 000 $;
- les détails des opérations et versements dont la valeur cumulative relativement à un payeur ou un bénéficiaire donné est supérieure à 5 000 $, y compris les contrats avec des tiers;
- le pourcentage du temps consacré par certaines personnes à la conduite d’activités politiques, d’activités de lobbying et d’activités non syndicales.
Nécessité
Dans les commentaires que j’ai formulés au Sénat concernant cette proposition, j’ai exprimé des doutes sur la nécessité d’exiger que des renseignements personnels aussi détaillés soient rendus publics sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada pour assurer une véritable reddition de compte de la part des membres des syndicats.
La vaste majorité des syndicats mettent déjà leurs états financiers à la disposition de leurs membres et, dans bien des cas, ils les affichent même sur leur site Web.
Ces documents renferment généralement des renseignements financiers sous forme agrégée et semblent réaliser la fin visée sans qu’il soit nécessaire de rendre public le nom de personnes en particulier.
Proportionnalité
Comme je l’ai souligné dans d’autres tribunes, et dernièrement devant le Comité de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes, les activités politiques peuvent constituer pour certaines personnes une question très délicate et personnelle.
À mon avis, l’affichage public des activités politiques et des activités de lobbying de certaines personnes ainsi que de leurs activités en matière d’éducation, de formation et de conférences allait trop loin.
De même, à mes yeux, la publication du nom des payeurs et des bénéficiaires (souvent des tiers) associés aux transactions dont la valeur cumulative est supérieure 5 000 $ porte atteinte de façon disproportionnée à la sécurité des renseignements personnels.
Enfin, pour ce qui est d’attirer l’attention sur le niveau de rémunération des dirigeants les mieux payés d’un syndicat, il existe plusieurs façons d’y parvenir en pratique, sans exiger dans la loi la divulgation du salaire précis des personnes expressément nommées.
Plusieurs provinces exigent qu’un rapport détaillé sur les dépenses d’un syndicat soit accessible sur demande, mais ces mesures ne se rendent pas à la publication du nom et de la rémunération des personnes. Loin de là.
De même, en France, les syndicats publient des états financiers annuels (actifs, passifs, prêts, etc.), mais ces documents ne contiennent aucun renseignement personnel.
Conclusion
En résumé, je suis en faveur de la législation dont le Comité est saisi et qui abrogera ces aspects qui posent problème.
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
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