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Projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois, aussi connu comme la Charte canadienne des droits des victimes

Mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne (JUST)

Le 13 novembre 2014

Monsieur Mike Wallace
Président, Comité permanent de la justice et des droits de la personne (JUST)
131, rue Queen, 6e étage
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Monsieur,  

Je vous écris aujourd’hui au sujet des répercussions sur la vie privée du projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois, aussi connu comme la Charte canadienne des droits des victimes.

Étant donné que le projet de loi C-32 contient des dispositions ayant trait à la protection et à la divulgation de renseignements personnels, il suscite l’intérêt du Commissariat. Je constate que le projet de loi C-32 propose des modifications au Code criminel, dont un certain nombre ont trait à la vie privée. Le projet de loi propose notamment ce qui suit :

  1. Protéger la vie privée et la sécurité des plaignants et des témoins dans les procédures concernant certaines infractions sexuelles et veiller à ce que ces derniers soient informés de leur droit d’être représentés par un conseiller juridique;
  2. Autoriser les témoignages sous pseudonyme lorsque les circonstances s’y prêtent;
  3. Rendre obligatoires, sur demande, les ordonnances d’interdiction de publication pour les victimes âgées de moins de 18 ans;
  4. Reconnaître à toute victime le droit « à ce que sa vie privée soit prise en considération par les autorités compétentes du système de justice pénale »;
  5. Reconnaître à toute victime, qu’elle soit un plaignant ou un témoin dans une procédure relative à l’infraction, le droit de demander que son identité soit protégée. 

Bien que le Commissariat appuie l’adoption de mesures pour protéger la vie privée de ceux et celles qui ont subi un préjudice physique ou moral, une perte ou tout autre dommage à la suite d’une infraction, il n’est pas clair qu’il s’agisse là d’une réponse pondérée et proportionnelle à un problème donné.

Bien que je sois favorable, en principe, à l’idée de renforcer la protection de la vie privée des victimes et des témoins, il reste à voir la manière dont ces propositions seront mises en œuvre. Aucun détail n’a été fourni sur ce qu’on entend par « à ce que sa vie privée soit prise en considérationNote de bas de page 1 », et il n’est pas évident de savoir de quelle façon les mesures proposées dans le projet de loi sont liées au droit à la vie privée, tel qu’il est énoncé dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le projet de loi C-32 prévoit en outre que « [t]oute victime a le droit, sur demande, d’obtenir des renseignements en ce qui concerne [...] les services et les programmes auxquels elle a accès en tant que victime, notamment les programmes de justice réparatrice ». J’aimerais attirer l’attention du Comité sur l’expression « sur demande » qui me donne une certaine assurance que les victimes obtiendront des renseignements ou seront contactées par les services d’aide aux victimes seulement si elles le souhaitent. Cette mesure est préférable au projet de règlement proposé qui permettrait à la GRC de divulguer les renseignements de la victime aux services d’aide aux victimes, même en l’absence de consentement.

Le Commissariat a formulé des commentaires concernant les amendements à apporter à ce projet de règlement dans le cadre d’une demande de consultation en février dernier. Dans une lettre à Sécurité publique Canada, nous avons fait part de nos préoccupations à l’idée que la GRC ait l’autorité réglementaire de divulguer des renseignements personnels sur les victimes à des services d’aide aux victimes sans le consentement de celles-ci. Nous sommes donc heureux de constater qu’un élément de consentement a été inclus dans le projet de loi, mais nous soulignons qu’il faudrait corriger cette divergence entre le projet de loi et le projet de règlement afin d’éviter toute confusion.

Enfin, je constate que le projet de loi accroît la quantité de renseignements personnels que la victime peut recevoir sur le délinquant, dont :

  • les progrès accomplis par le délinquant en vue d’atteindre ses objectifs correctionnels;
  • une photographie récente du délinquant au moment de sa mise en liberté ou de l’expiration de sa peine;
  • des renseignements concernant la déportation du délinquant, le cas échéant;
  • des renseignements sur la date et les conditions de la mise en liberté du délinquant, ainsi que sa destination (sauf si la communication de ces renseignements avait une incidence négative sur la sécurité publique).

Bien que, dans certains cas, ces renseignements soient déjà à la disposition des victimes, le projet de loi C-32 semble réduire le pouvoir discrétionnaire du commissaire du Service correctionnel lorsque les renseignements sont demandés par une victime. Par ailleurs, le projet de loi reconnaît peu les droits des délinquants, ce qui m’apparaît préoccupant, et on ne sait pas comment cette question a contribué à l’élaboration du projet de loi ni quelle incidence elle aura sur sa mise en œuvre. Le Commissariat a toujours estimé nécessaire de trouver un équilibre entre le droit à la vie privée et la sécurité. Nous continuerons donc à nous assurer que les renseignements personnels, notamment des renseignements de nature aussi délicate, soient des communiqués par l’autorité compétente, assujettis à des procédures bien définies et traités avec soin et considération pour garantir un équilibre approprié.

Je serais heureux d’avoir l’occasion de prendre la parole sur les points soulevés ci-dessus et de vous fournir tous les renseignements dont vous avez besoin pour veiller à ce que les questions de protection de la vie privée soient prises en compte dans le cadre du projet de loi.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Le commissaire à la protection de la vie privée,

(La version originale a été signée par)

Daniel Therrien

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