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Comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant la Section 17 du projet de loi C-43, Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2014 Modification de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques

Le 5 novembre 2014
Ottawa (Ontario)

Déclaration prononcée par Daniel Therrien
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi)


Monsieur le Président et membres du Comité, bonjour.

Je vous remercie de cette invitation à venir présenter notre point de vue concernant la section 17 du projet de loi C-43, Modification de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques

Je suis accompagné aujourd’hui par Carman Baggaley, analyste principal des politiques. 

Les modifications proposées ont deux objectifs : le premier, soutenir les enquêtes sur les personnes disparues et les restes humains non identifiés; le deuxième, soutenir les enquêtes criminelles. Le premier objectif est établi à des fins humanitaires et peut aider les familles et les amis des personnes disparues à tourner la page.  Le projet de loi propose d’atteindre ces deux objectifs par la création de cinq nouveaux fichiers fondés sur l’ADN.

Je suis d’accord que la société est bien servie par la recherche de personnes disparues et l’identification de restes humains, et qu’il est raisonnable de constituer une banque nationale de données génétiques pour y parvenir. De plus, je comprends que la Banque nationale de données génétiques (BNDG) joue un rôle important et précieux au chapitre de l’application de la loi. D’ailleurs, un représentant du Commissariat siège au Comité consultatif qui prodigue des conseils et des orientations stratégiques à la BNDG sur les questions scientifiques, juridiques et éthiques. 

Cela dit, j’ai quelques réserves concernant la façon dont le projet de loi mélange ces deux objectifs bien distincts et très différents. 

Plus particulièrement, je m’interroge sur la mesure dans laquelle le projet de loi autorise le croisement de données entre les nouveaux fichiers proposés pour retrouver des personnes disparues et les fichiers de criminalistique et des condamnés existants, qui sont utilisés à des fins d’application de la loi.

Lorsque les familles fournissent des effets personnels d’une personne disparue, ou leurs propres prélèvements biologiques, elles le font pour des raisons humanitaires. Leur intention devrait être respectée, et toute utilisation ultérieure, à des fins d’application de la loi, des profils constitués devrait être interdite ou rigoureusement encadrée.

Le projet de loi indique bien que les profils des parents ne doivent servir qu’à des fins humanitaires, en étant comparés uniquement au fichier des personnes disparues ou à celui des restes humains. Je considère que l’utilisation du profil d’une personne disparue devrait faire l’objet des mêmes restrictions.

Le projet de loi autorise la comparaison de profils de personnes disparues et de restes humains avec le fichier de criminalistique et le fichier des condamnés, soulevant ainsi la possibilité d’une correspondance entre une personne disparue et une scène de crime ou un condamné. 

En outre, le projet de loi autorise l’utilisation des correspondances pour enquêter sur une infraction désignée si l’organisme d’application de la loi a des motifs raisonnables de croire que l’information pourrait lui être utile pour les besoins de l’enquête ou de poursuites relatives à l’infraction désignée.

Utiliser l’information recueillie à une fin – soit identifier des restes humains – et s’en servir à une autre fin, par exemple associer l’ADN d’une personne disparue à celui retrouvé sur une scène de crime,  irait à l’encontre du principe selon lequel les renseignements personnels ne doivent servir qu’aux fins auxquelles ils ont été recueillis. 

Si l’on décide tout de même de permettre que des profils de personnes disparues soient comparés au fichier de criminalistique et que les correspondances éventuelles servent à l’application de la loi, le parent qui a fourni les effets personnels de la personne disparue devrait être informé que le profil sera comparé et y consentir.

Nous sommes également préoccupés par les modifications à la Loi qui augmenteraient l’échange d’information avec des États étrangers ou des organisations internationales. En effet, le projet de loi leur permettrait d’envoyer un profil à la BNDG en vue de le comparer non seulement aux fichiers de criminalistique et des condamnés comme en ce moment, mais également aux fichiers des personnes disparues et des restes humains. De plus, le commissaire de la GRC pourra envoyer à un État étranger ou à une organisation internationale des profils tirés des fichiers des personnes disparues et des restes humains. 

Ainsi, on ouvre la voie à une correspondance possible entre un profil de scène de crime étranger et le profil d’un Canadien disparu, impliquant par le fait même la personne disparue dans un crime commis à l’étranger. Ou à l’inverse, un étranger porté disparu pourrait être impliqué dans un crime commis au Canada. La décision de communiquer ces renseignements appartient au commissaire de la GRC, mais il demeure que l’échange d’information au sujet de telles correspondances pourrait avoir lieu.

Compte tenu des préoccupations que nous avons exprimées sur le recours aux profils de personnes disparues dans l’application de loi, et sachant qu’à deux reprises des comités du Sénat chargés d’examiner la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques se sont dits préoccupés par la possibilité d’échange de renseignements avec un État étranger concernant une infraction qui pourrait ne pas en être une au sens des lois canadiennes, je vous encourage fortement à retirer du projet de loi les modifications proposées qui ont pour effet d’accroître l’échange d’information à l’échelle internationale.

C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

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