Comparution devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne concernant le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, Loi sur la non-discrimination génétique
Le 2 octobre 2014
Ottawa (Ontario)
Déclaration prononcée par Daniel Therrien
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi)
Bonjour Monsieur le Président et distingués Membres du Comité,
Je vous remercie vivement de nous avoir invités à exprimer notre opinion concernant le projet de loi S-201, Loi sur la non-discrimination génétique.
Je suis accompagné aujourd’hui de Patricia Kosseim, avocate générale principale, et de Carman Baggaley, conseiller principal en politiques.
J’aimerais tout d’abord remercier l’honorable sénateur Cowan d’avoir déposé ce projet de loi, qui porte sur un sujet très important. La protection des renseignements génétiques a été l’une des priorités stratégiques du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada au cours des dernières années. Nous avons d’ailleurs publié en juillet dernier une Déclaration concernant l’utilisation des résultats des tests génétiques par les compagnies d’assurances de personnes.
Notre déclaration exhorte l’industrie des assurances de personnes à :
« élargir la portée de son moratoire volontaire, qui exige présentement que ses membres s’abstiennent de demander aux proposants de subir des tests génétiques, pour également s’abstenir de demander accès aux résultats des tests génétiques déjà existants, et ce, jusqu'à ce que leur nécessité et leur efficacité puissent être clairement démontrées ».
Mais revenons au projet de loi S-201. L’objectif global de ce projet de loi va dans le sens de notre déclaration – il reconnaît que les tests génétiques révèlent des renseignements très sensibles qui méritent une protection particulière. Mais il va beaucoup plus loin. Certes, nous avons exhorté l’industrie à s’abstenir de demander accès aux résultats des tests génétiques existants jusqu’à ce que leur nécessité et leur efficacité puissent être clairement démontrées aux fins de souscription d’une assurance, mais le projet de loi S-201 créerait une interdiction ayant force de loi.
Au sens du projet de loi, nul ne pourrait obliger une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition requise pour lui fournir des biens et services, ou pour conclure un contrat avec elle. Cette interdiction s’appliquerait à un large éventail d’organisations, notamment celles de l’industrie des assurances de personnes.
Comme nous l’avons souligné dans notre Déclaration, les individus peuvent subir des tests génétiques pour de nombreuses raisons. Il peut s’agir de raisons médicales valables bien établies dans un cadre clinique. Mais des gens utilisent aussi des tests offerts sur Internet pour la recherche, pour établir la paternité en vue d’une grossesse, pour en savoir plus sur leurs ancêtres ou simplement par curiosité.
L’industrie considère qu’elle doit avoir accès à tous les résultats des tests génétiques existants afin que les deux parties d’un contrat de bonne foi soient sur un pied d’égalité sur le plan des connaissances. Toutefois, dans la grande majorité des cas, la capacité à l’heure actuelle de prédire avec un degré de certitude raisonnable l’état de santé et l’espérance de vie d’une personne à partir de tests génétiques est relativement faible. En ce qui a trait aux maladies monogéniques rares pour lesquelles les résultats des tests génétiques pourraient s’avérer très probants, l’incidence financière de dispositions interdisant l’accès de l’industrie à ce petit sous-ensemble de cas fait actuellement l’objet d’un sain débat entre spécialistes en actuariat qualifiés.
Le projet de loi S-201 reconnaît les avantages sociaux prépondérants d’une protection du droit à la vie privée des proposants et de l’offre d’une couverture d’assurance à tous, sans égard au patrimoine génétique. En outre, nous sommes encouragés par le fait que le gouvernement s’est engagé dans le discours du Trône à empêcher les employeurs et les compagnies d’assurance de faire de la discrimination sur la base d’analyses génétiques.
J’accueille favorablement le débat public que ce projet de loi génère, mais si la loi n’est pas adoptée, le Commissariat exhortera l’industrie de l’assurance, les groupes de défense des patients, les gouvernements fédéral et provinciaux et les autres parties intéressées à unir leurs efforts afin de trouver une solution non législative contraignante, comme celle existant au Royaume-Uni par exemple, pour s’assurer que les renseignements génétiques sont protégés de façon adéquate et utilisés uniquement lorsque cela est approprié et nécessaire.
C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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