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Projet de loi S-202, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux (Loi sur le Registre des instruments médicaux)

Mémoire présenté au Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Le 22 avril 2013

L’honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, président
Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie
Sénat du Canada
Ottawa (Ontario)  K1A 0A4

Monsieur le Sénateur,

Je tiens à vous remercier ainsi que votre Comité de me donner l’occasion de présenter des observations écrites concernant le projet de loi S-202, Loi prévoyant l’établissement et la tenue d’un registre national des instruments médicaux (Loi sur le Registre des instruments médicaux). 

Comme vous le savez, le projet de loi S-202 a pour but d’établir un registre national des instruments médicaux en vertu duquel les fabricants, les importateurs et les distributeurs de ces instruments devront aviser le directeur du registre s’ils se rendent compte qu’un instrument médical peut présenter un risque pour la santé et la sécurité des utilisateurs.

Selon le projet de loi S-202, il incomberait à Santé Canada de tenir et d’exploiter le registre. Les renseignements contenus dans le registre seraient fournis par le médecin qui insère un instrument médical implantable dans le corps d’une personne ou qui fournit à un utilisateur un instrument médical pour usage à domicile. Dans tous les cas, le registre comporterait des renseignements sur la date et le lieu de l’implantation, le nom du médecin qui a exécuté la procédure, ainsi que des renseignements détaillés sur l’instrument.

Le nom, la date de naissance et l’adresse de l’utilisateur ne seraient fournis que si celui-ci y consent, après avoir été informé de la nature et de la fonction du registre. Si l’utilisateur donne son consentement, on l’aviserait de la nécessité d’informer le directeur du registre de tout changement d’adresse. Les renseignements personnels de l’utilisateur seraient confidentiels et un consentement écrit serait nécessaire pour les communiquer à toute organisation ou personne.

J’aimerais tout d’abord préciser que je comprends les préoccupations qui sous-tendent la création d’un registre national des instruments médicaux, à savoir que les Canadiennes et les Canadiens soient informés rapidement de tout enjeu pour la santé ou la sécurité qui pourrait découler de l’utilisation d’un tel instrument.

Je constate également que le projet de loi S-202 comporte d’importantes mesures de protection de la vie privée, dont les suivantes :

  • explication de la nature et de la fonction du registre à l’utilisateur;
  • obtention du consentement de l’utilisateur avant de consigner ses renseignements personnels au registre;
  • limitation des renseignements personnels recueillis (nom, date de naissance et adresse);
  • transmission d’une copie de l’information recueillie à l’utilisateur;
  • obtention d’un consentement écrit avant toute communication des renseignements personnels à une autre personne ou organisation.

Il s’agit là de mesures positives. Je comprends également que des éléments de protection de la vie privée supplémentaires peuvent être énoncés dans le règlement d’application. Toutefois, j’aimerais porter à votre attention d’autres pratiques et principes importants de protection de la vie privée qui doivent être pris en considération :

  • Les renseignements personnels devraient être exacts, complets et à jour. À cet égard, étant donné que le projet de loi proposé ferait appel aux utilisateurs pour mettre à jour leur adresse auprès du directeur du registre, il pourrait s’avérer difficile d’assurer l’exactitude et la mise à jour des renseignements.
  • Les renseignements personnels devraient être protégés physiquement et électroniquement des atteintes à la sécurité des données ou des accès non autorisés. Seul le personnel autorisé détenant les cotes de sécurité appropriées devrait pouvoir accéder aux données.
  • Vu la nature délicate des données, il faudrait envisager de séparer les renseignements personnels des autres ensembles de données et d’adopter des protocoles stricts pour le rétablissement de liens entre ces renseignements. L’anonymisation des renseignements personnels devrait également être envisagée si des recherches et des analyses post-commercialisation continues devaient être effectuées.
  • Il faudrait mettre en place des procédures et des calendriers clairs de conservation et d’élimination.
  • Toutes les entrées devraient laisser une piste de vérification. Par ailleurs, la collecte, l’utilisation, la conservation, la communication, l’élimination et la circulation générale des renseignements devraient être faciles à vérifier, que ce soit à l’interne ou par un tiers indépendant.
  • Dans l’éventualité d’une atteinte à la sécurité des données, les utilisateurs devraient en être avisés rapidement et des politiques et protocoles devraient être en place pour en limiter l’incidence et faire en sorte que des mesures correctives puissent être prises sans délai.

Tel qu’illustré ci-dessus, l’établissement et l’exploitation d’un registre d’une manière respectueuse de la vie privée représentent à la fois une  obligation essentielle et une entreprise complexe. Le Commissariat souscrit depuis longtemps à la position selon laquelle la création d’un registre devrait être évaluée avec une grande prudence, car cela ouvre la voie à l’État pour accéder à des bases de données volumineuses sur un grand nombre de ses citoyens.

Je crois comprendre qu’un Canadien sur dix est muni d’un dispositif implantable et que des milliers d’autres utilisent un appareil médical à domicile. Par conséquent, plus de 3,4 millions de Canadiennes et Canadiens pourraient voir leurs renseignements personnels et médicaux de nature délicate répertoriés dans un registre central. Et, selon toute probabilité, ce chiffre augmentera sûrement à mesure que la population vieillit.

Compte tenu des défis pour la protection de la vie privée que poserait un registre national des instruments médicaux, je vous inviterais à entamer une réflexion afin de déterminer si les avantages d’un tel registre l’emporteraient sur les coûts éventuels pour la protection de la vie privée des Canadiennes et Canadiens.  

Si un registre devait être considéré nécessaire afin d’atteindre les objectifs légitimes de protection des consommateurs visés par le projet de loi, il serait important d’examiner la façon dont le registre devrait fonctionner en vue de protéger de manière optimale la vie privée. 

En espérant que vous avez trouvé ces réflexions utiles, j’aimerais vous remercier une fois de plus de m’avoir donné l’occasion de partager mes idées sur le projet de loi S-202.

Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de ma considération distinguée.

La commissaire à la protection de la vie privée du Canada,

(La version originale a été signée par)

Jennifer Stoddart

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