Comparution devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur l'étude du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières)
Le 29 mai 2013
Ottawa (Ontario)
Déclaration prononcée par Jennifer Stoddart
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi)
Introduction
Je vous remercie, Monsieur le Président et Mesdames et Messieurs les honorables Sénateurs, de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui au sujet du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières). Je suis accompagnée de Patricia Kosseim, qui est l’avocate générale principale du Commissariat.
Laissez-moi d’abord vous dire que je crois que la transparence et la reddition de comptes sont des aspects essentiels d’une saine gestion et des éléments cruciaux d’une démocratie efficace et solide.
Je dois toutefois, à titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, souligner qu’il faut établir un juste équilibre entre la transparence et la reddition de comptes d’un côté, et la protection du droit à la vie privée des individus de l’autre. En d’autres mots, toute divulgation publique de renseignements personnels, tel qu’envisagé dans le projet de loi C-377, doit faire l’objet d’un examen attentif visant à déterminer s’il existe un besoin réel de divulguer les renseignements.
Comparution devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes
Comme vous le savez, je me suis présentée devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, en novembre dernier, afin de faire état de mon point de vue au sujet du projet de loi C-377, tel qu’il était rédigé à ce moment-là.
J’ai à cette occasion soulevé des préoccupations quant au niveau de divulgation publique de renseignements personnels envisagée dans le projet de loi. J’ai été plus précisément troublée d’apprendre que les noms et les salaires de tous les membres des syndicats devraient être rendus publics, sans le consentement des personnes concernées, aux fins de l’atteinte des objectifs liés à la reddition de comptes.
J’ai fait valoir que le fait de restreindre la portée de la divulgation permettrait d’obtenir un résultat plus équilibré, mais tout aussi efficace, et j’ai suggéré que seuls les renseignements concernant les employés syndicaux qui gagnent les salaires les plus élevés soient divulgués, ou que le nombre d’employés du syndicat dont le salaire se situe à l’intérieur des fourchettes établies soit indiqué, mais sans nommer qui que ce soit.
J’ai aussi indiqué que la divulgation d’états financiers cumulatifs pourrait être perçue comme une alternative valide aux fins de l’atteinte des objectifs en matière de transparence et de reddition de comptes par rapport aux membres du public.
Modifications apportées par la Chambre des communes
J’ai trouvé encourageant de voir que la Chambre des communes avait adopté, à l’étape du rapport, certaines modifications visant à protéger la vie privée des personnes concernées. D’après ce que j’ai compris, ces modifications portent sur ce qui suit :
- l’obligation de divulgation ne s’applique plus aux activités et aux opérations liées aux régimes de retraite, de soins de santé et d’assurances;
- l’adresse des personnes auxquelles appartiennent les renseignements divulgués ne sera plus indiquée;
- l’obligation de divulguer et les sommes versées à titre de rémunération et les noms ne s’appliquera désormais qu’aux agents, directeurs et administrateurs dont le salaire est supérieur à 100 000 $, ainsi qu’aux autres représentants syndicaux principaux;
- la divulgation des sommes versées à d’autres employés ainsi qu’à des entrepreneurs se fera sous forme cumulative;
- la divulgation des sommes versées aux fins d’activités liées aux relations du travail, à l’organisation des travaux de l’organisation et aux conventions collectives se fera aussi sous forme cumulative.
Du point de vue de la protection des renseignements personnels, ces amendements représentent une amélioration par rapport au régime de divulgation précédent.
Questions non réglées
Certaines préoccupations liées à la protection des renseignements personnels demeurent.
En principe, l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que les renseignements afférents aux individus demeurent confidentiels, à moins qu’il n’existe une exception spécifique à cette interdiction de divulgation. Je suis consciente du fait que l’adoption du projet de loi C-377 aurait pour effet de permettre une exception à cette règle de confidentialité. Bien que d’un point juridique cela soit en conformité avec la Loi sur la Protection des renseignements personnels, la création d’une nouvelle exception me préoccupe.
Plus précisément, les noms de toutes les personnes ayant reçu des sommes totalisant plus de 5 000 $ seront encore divulgués, et ce, pour certains versements, tels que ceux liés à des prêts, à des activités politiques, à des activités de lobby, à des contributions, à des cadeaux, à des subventions, ainsi qu’aux activités liées à des conférences, à l’éducation et à la formation.
Il est évident que des renseignements personnels, et même, dans de nombreux cas, des renseignements personnels de nature délicate, figureront parmi les renseignements divulgués. Comme je l’ai indiqué précédemment, une façon de réduire les atteintes à la vie privée tout en favorisant la réalisation des objectifs en matière de reddition de comptes consisterait à limiter la portée de la divulgation à des nombres cumulatifs, ou à divulguer les renseignements demandés, mais sans nommer les personnes concernées.
Conclusion
J’espère, en terminant, que mes commentaires aideront les Parlementaires à trouver un juste équilibre entre la transparence et la reddition de comptes d’un côté et le droit à la vie privée des individus de l’autre.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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