Le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l’impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence
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Comparution devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce
Le 13 décembre 2006
Ottawa (Ontario)
Allocution d'ouverture prononcée par Jennifer Stoddart
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI)
Nous sommes heureux de prendre la parole devant le Comité pour discuter du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l’impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence.
J’aimerais tout d’abord féliciter le Comité pour son rapport intitulé Comment endiguer l’hémorragie de l’argent illicite : une priorité pour le Canada. Ce rapport fait écho à nos préoccupations relativement à l’incidence possible sur le droit à la vie privée de l’augmentation des renseignements personnels que le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) recueille et communique. Comme le conclut à juste titre le rapport, « la détection et la dissuasion en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme sont des objectifs cruciaux de la politique gouvernementale, mais c’est aussi le cas de la protection de la vie privée et des renseignements personnels ».
Les modifications proposées dans le projet de loi C-25 sont graduelles, mais néanmoins importantes. Le nombre d’organisations appelées à vérifier et à colliger des renseignements sur leurs clients augmentera tout comme la quantité de renseignements personnels recueillis. Davantage de transactions feront l’objet d’examens et de rapports. Le CANAFE sera aussi en mesure de partager davantage de renseignements avec un plus grand nombre d’agences et d’organismes.
Il est très difficile pour nous d’évaluer la gravité des problèmes que la loi cherche à corriger et de déterminer si les modifications proposées sont nécessaires. Les témoins qui ont comparu devant ce comité et celui de la Chambre des communes ont eu du mal à estimer l’ampleur du problème. Ces derniers n’ont pas été en mesure de présenter des preuves convaincantes de l’augmentation de la fréquence ou de l’ampleur du blanchiment d’argent ou du financement des activités terroristes, ni des lacunes des dispositions actuelles. Ils nous disent plutôt que la Loi doit être mise à jour afin de respecter nos obligations internationales.
Nous savons que le blanchiment des capitaux appuie les activités criminelles et les encourage. Nous savons aussi que le financement des groupes terroristes constitue une menace pour notre sécurité et celle du reste de la planète, mais nous ne sommes présentement pas convaincus que la preuve ait été faite de la nécessité de renforcer le régime canadien de lutte contre le blanchiment des capitaux.
J’aimerais parler plus à fond de trois dispositions du projet de loi. La première touche une nouvelle disposition en vertu de laquelle le CANAFE pourrait transmettre des renseignements au Centre de la sécurité des télécommunications (CST), s’il juge que l’information a trait au mandat du CST qui consiste à acquérir et à utiliser de l’information dans le but de fournir des renseignements étrangers.
Le CST n’est pas un organisme d’enquête ou d’exécution de la loi. Ainsi, tout renseignement transmis au CST ne peut pas servir à des fins d’application de la loi, contrairement au CANAFE qui peut communiquer de l’information à la GRC, à l’Agence du revenu du Canada ou à l’Agence des services frontaliers du Canada. Cependant, le CST peut utiliser cette information pour assujettir des particuliers à une surveillance accrue; en outre, tout renseignement obtenu par le CST peut alors être transmis à la GRC, au SCRS, voire à des agences étrangères et pourrait même retourner au CANAFE par l’entremise de la GRC qui peut, à son gré, fournir des renseignements au CANAFE. Nous nous interrogeons sur la nécessité d’une telle disposition. Si la GRC ou le SCRS veut fournir de l’information au CST concernant des cibles possibles de surveillance, ces organisations devraient le faire directement.
Le projet de loi propose d’exiger des entités visées qu’elles portent une attention particulière aux « personnes politiquement exposées » à l’étranger ainsi qu’à leurs familles. L’idée voulant que des personnes et leurs familles fassent l’objet d’un examen additionnel simplement en raison du poste qu’ils occupent est troublante. Nous croyons savoir que cette disposition a été mise en place pour donner suite aux recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) sur le blanchiment de capitaux. En supposant que d’autres pays adoptent des mesures semblables, les fonctionnaires canadiens qui réalisent certaines opérations dans d’autres pays seront assujettis à un examen supplémentaire. Compte tenu du nombre d’ententes sur la transmission de renseignements que le CANAFE a conclues avec des organismes semblables dans d’autres pays, nous sommes préoccupés par le fait que cette disposition pourrait être utilisée par des pays comme un moyen détourné pour obtenir de l’information sur leurs propres fonctionnaires.
Je constate avec satisfaction que le Comité recommande une surveillance accrue du CANAFE. Le projet de loi C-25, tel qu’il a été modifié par la Chambre, exige maintenant que le Commissariat effectue un examen tous les deux ans des mesures prises par le CANAFE pour protéger les renseignements qu’il reçoit ou qu’il recueille en vertu de cette loi et dépose un rapport au Parlement.
Je dois ajouter que nous avions déjà l’intention d’effectuer une vérification du CANAFE en 2007-2008 dans le cadre de l’autorité que nous confère la Loi sur la protection des renseignements personnels. Malgré le fait que nous accueillons positivement l’obligation de faire des examens des mesures que CANAFE prend pour protéger les renseignements personnels, nous questionnons la faisabilité de le faire à tous les deux ans. Malheureusement, nous n’avons pas été consultés sur cette modification qui a une incidence sur nos ressources et sur d’autres priorités. Je demanderais au comité de revoir la fréquence de ces examens obligatoires.
Nous espérons que le Comité évaluera attentivement la nécessité et la proportionnalité du projet de loi lors de l’examen article par article, en ayant à l’esprit l’objet contenu dans l’article 3 qui vise à assurer « la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant ».
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