Mécanisme indépendant d'examen des activités de la Gendarmerie royale du Canada touchant la sécurité nationale
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La Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar
Le 16 novembre 2005
Ottawa (Ontario)
Allocution d'ouverture prononcée par Jennifer Stoddart
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI)
J'aimerais vous remercier de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous faire part de nos observations sur la question d'un mécanisme indépendant d'examen des activités de la Gendarmerie royale du Canada touchant la sécurité nationale.
D'entrée de jeu, j'aimerais simplement reprendre certains éléments que nous avons dévelopés dans notre présentation à la Commission et par la suite, je répondrai volontiers à vos questions.
1. Nécessité d'une plus grande imputabilité et de surveillance d'organismes chargés de la sécurité nationale
Nous convenons tous de la nécessité d'une plus grande imputabilité, transparence et surveillance des organismes chargés de la sécurité nationale. L'adoption de la Loi antiterroriste en novembre 2001 a marqué le début d'un nouvel environnement en matière de sécurité nationale caractérisé par un accroissement du pouvoir de surveillance exercée par l'État, par des changements fondamentaux dans les rouages de l'État et par une augmentation de l'échange de renseignements personnels avec les États-Unis et d'autres gouvernements à l'étranger. L'adoption de la Loi antiterroriste en novembre 2001 a marqué le début d'un nouvel environnement en matière de sécurité nationale caractérisé par un accroissement du pouvoir de surveillance exercée par l'État, par des changements fondamentaux dans les rouages de l'État et par une augmentation du partage des renseignements personnels avec les États-Unis et d'autres gouvernements à l'étranger.
En outre, nous avant constaté que la distinction entre les activités en matière de sécurité nationale et les activités d’application de la loi en ce qui a trait à certaines initiatives de l’après-11 septembre s’est estompée. Nous craignons que la logique de l’antiterrorisme ne s’infiltre dans toutes les sphères de l’application de la loi et la sécurité publique, qui éroderont de plus en plus le droit à la protection la vie privée au Canada.
Parallèlement, comme le rôle et les pouvoirs des organismes d’application de la loi et des agences de sécurité nationale ont été élargis par suite de la Loi antiterroriste, de la Loi sur la sécurité publique et d’autres mesures, les limitations concernant l’utilisation de ces pouvoirs de surveillance ont été atténuées et les degrés de reddition de compte et la transparence du gouvernement ont été réduites considérablement.
Nous voulons tous un pays où règne une meilleure sécurité et nous comprenons qu’il est nécessaire d’avoir des services canadiens de renseignements efficaces. Nous devons également mettre en place des processus permettant de garantir que les pouvoirs accrus que nous donnons à ces organismes sont nécessaires et proportionnels et, s’ils sont accordés, qu’ils ne sont pas utilisés à mauvais escient.
2. Notre expérience avec la GRC, le SCRS et le SCT
En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous sommes chargés d’exercer une surveillance sur environ150 ministères et organismes gouvernementaux, dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST). Nous faisons toutefois partie d’un système de surveillance national plus vaste qui englobe le Parlement, les tribunaux et d’autres organismes spécialisés créés par le Parlement, comme le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, les ONG et les médias.
Permettez-moi de vous résumer notre expérience en matière de traitement des plaintes avec la GRC, le SCRS et le CST. Au cours des deux dernières années, nous avons conclu une plainte fondée à l'égard du SCRS alors qu'il n'y en a aucune portée contre le SCT. En 2003-2004, il y a eu 56 plaintes fondées contre la GRC, et pour l'année dernière, 45 des 607 plaintes fondées touchaient la GRC. Aucune des plaintes fondées ne concernait l'utilisation et la communication d'information liée à la sécurité nationale.
À l'heure actuelle, nous n'avons reçu qu'une plainte contre la GRC qui porte sur des allégations d'utilisation et de communication inappropriée des renseignements personnels pour des raisons de sécurité nationale. Par ailleurs, nous avons reçu de plaintes touchant le refus d'accès à l'égard de la GRC, du SCRS ou du CST. Cependant, lors de nos enquêtes, nous avons déterminé que l'information était correctement exclue en vertu de l'article 21 — sécurité nationale et en vertu de l'article 22(1)a) — renseignements recueillis par un organisme d'enquête.
Nous avons également l’autorité de procéder à un examen ou à une vérificataion des organismes qui sont visés par la Loi sur la protection des renseignements personnels. En 2002 et 2003, nous avons effectué un examen de quatre activités de la GRC, notamment l’examen des Équipes intégrées de la police des frontières (EIPF). L’article 36 nous confère le pouvoir d’effectuer des vérifications des fichiers inconsultables. Il n’existe présentement que quatre fichiers inconsultables qui relèvent du SCRS, du CST et de la GRC. Le dernier examen du Commissariat des fichiers inconsultables remonte à quinze ans, ce qui a résulté en une réduction considérable du nombre de fichiers inconsultables.
Nous reconnaissons et acceptons le fait que nous ne pouvons exercer seuls une surveillance efficace sur l’utilisation des renseignements personnels. La tâche est tout simplement trop grande et importante pour être confiée exclusivement à un seul organisme. De plus, la Loi sur la protection des renseignements personnels remonte à plus de vingt ans et n’a pas été rédigée en prévision d’une époque où la surveillance est devenue envahissante, époque où apparaissent désormais sans cesse de nouvelles technologies permettant cette surveillance accrue. La Loi sur la protection des renseignements personnels régit la circulation des renseignements personnels; elle ne crée pas un cadre solide et normatif capable de protéger le droit à la vie privée.
3. Réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels
Dans notre rapport annuel 2004-2005 concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels qui a été publié récemment, nous demandons une réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Loi doit être réformée pour plusieurs raisons, au nombre desquelles figure la nécessité d'aborder les problèmes liés au nouvel État de surveillance découlant de l'après-11 septembre.
Toute réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels doit porter notamment sur la capacité de refuser d'enquêter sur une plainte ou de transmettre une plainte à une instance d'enquête plus appropriée. Nous avons ce pouvoir en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), qui s'applique au secteur privé. Il serait souhaitable d'avoir une disposition semblable dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce pouvoir pourrait être particulièrement utile si un nouvel organisme était créé pour traiter les plaintes ayant trait aux activités en matière de sécurité nationale de la GRC.
4. Collaboration avec des autres organismes de surveillance
Nous pouvons envisager une situation dans laquelle une personne pourrait déposer une plainte qui soulève des questions concernant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels en vertu des articles 4 à 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels relativement à un ensemble de questions beaucoup plus vastes. En pareil cas, les intérêts d'une personne pourraient être mieux servis par un organisme d'examen doté d'une expertise multidimensionnelle et d'un mandat général qui lui permettrait d'examiner les questions qui vont au-delà du traitement des renseignements personnels.
S'il est vrai que nous attachons beaucoup d'importance à la nécessité d'une surveillance accrue sur les activités en matière de sécurité nationale de la GRC, aucun avis n'a été fourni quant à ce que devrait être cet organisme. Je veux dire par là qu'aucune étude ne nous permet de conclure que cet organisme devrait s'occuper également des plaintes traitées actuellement par la Commission des plaintes du public ou qu'il devrait exercer aussi une surveillance sur le SCRS et le CST.
Lorsqu'il est question de surveillance, nous ne devons pas perdre de vue l'importance de la surveillance interne et de la responsabilisation. Les ministères et les organismes gouvernementaux, en particulier ceux qui ont un mandat lié à la sécurité nationale, devraient être tenus d'élaborer et de mettre en place des cadres de gestion de protection de la vie privée qui comportent des mesures de vérification interne en matière de protection de la vie privée, des responsabilités de leadership envers la protection de la vie privée comprises dans l'entente de rendement des cadres supérieurs, des indicateurs de performance relatifs à la protection de la vie privée, et un rôle plus robuste des coordonnateurs de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.
Nous accueillerions positivement la création d'un nouvel organisme ou le réexamen du mandat d'un organisme déjà existant pour exercer une surveillance sur les activités en matière de sécurité nationale de la GRC. S'il est vrai que cela pourrait entraîner un certain chevauchement des mandats, nous ne prévoyons aucun problème important qui ne pourrait être résolu par la collaboration. Nous sommes prêts à travailler avec tout nouvel organisme au règlement de nouveaux problèmes.
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