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J’ai assisté à l’exposé de Daniel Solove à la conférence Reboot Ottawa ce matin. Son intervention reprenait certains des principaux points de son dernier ouvrage, Nothing To Hide, alors qu’il démontait certaines erreurs logiques qui faussent le débat entre la vie privée et la sécurité nationale en faveur de cette dernière.

La première fausseté est l’argument que ceux qui n’ont rien à cacher n’ont rien à craindre. Solove affirme au contraire que l’argument du «rien à cacher» trahit une mauvaise compréhension de ce qu’est en réalité le droit à la vie privée : il ne sert pas à cacher des choses honteuses; il s’agit plutôt d’un assemblage de choses inter-reliées en orbite autour de notre dignité et de notre intégrité.

La seconde erreur logique est la déférence automatique aux autorités, parce qu’elles sont le mieux placées pour savoir si une mesure est raisonnable. Solove a même ajouté que certains éminents juristes américains se rallient à l’idée que les tribunaux ne sont pas les mieux placés pour juger des activités des forces de l’ordre. Solove propose plutôt que nous tenions les autorités d’application de la loi et de sécurité nationale responsables de l’efficacité des mesures qu’elles proposent — ces autorités devraient être responsables de démontrer que ces mesures sont efficaces.

Le troisième argument réfuté par Daniel Solove ce matin est celui du « tout ou rien ». Solove a fait remarquer qu’on n’obtient pas davantage de sécurité en renonçant à son droit à la vie privée, et qu’on ne protège pas mieux sa vie privée en renonçant à sa sécurité. Au contraire, le droit à la vie privée peut — et doit — être intégré aux mesures de sécurité. En élaborant sur ce point, il a évoqué l’idée que le droit à la vie privée ne devrait pas être conçu nécessairement comme un droit personnel (qui s’oppose aux intérêts communs), mais plutôt comme un intérêt sociétal en soi. Le droit à la vie privée devrait être protégé au niveau sociétal.

Et finalement, Solove a abordé ce qu’il qualifie d’échec des attentes raisonnables en matière de vie privée, ces dernières étant fondées sur la mauvaise question. « L’attente raisonnable en matière de vie privée » présuppose que les gens savent comment leur vie privée est enfreinte et qu’ils sont en mesure de réagir à cette atteinte, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Il suggère qu’au lieu de se demander si une mesure de sécurité enfreint une atteinte raisonnable en matière de vie privée (ce qui ouvre la porte à un débat ésotérique sur ce qu’est la vie privée), on devrait plutôt se demander si la mesure en question devrait être permise sans contrôle judiciaire et sans imputabilité.

En effet, cette idée de poser les bonnes questions et de mettre les bons éléments dans la balance était le fil conducteur de l’exposé de Daniel Solove : il propose qu’au lieu de nous demander si une mesure de sécurité est en soi une violation de la vie privée, nous devrions nous demander si cette même mesure est acceptable sans contrôle judiciaire, sans mandat, sans cause probable et sans imputabilité. Nous ne devrions pas nous demander si l’État a le droit de s’immiscer dans notre vie privée pour des raisons de sécurité, mais plutôt si nous obtenons en échange une sécurité améliorée.

En bref, Daniel Solove suggère que ce que nous devrions placer sur les plateaux de la balance, ce ne sont pas la vie privée et la sécurité, mais plutôt une mesure de sécurité donnée sans réserve, et de l’autre côté, la même mesure mise en œuvre avec des modalités de protection de la vie privée.

Un exposé fascinant et très opportun donné par un orateur de grand talent.

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