La décision de se soumettre à des tests génétiques est souvent motivée par des raisons personnelles ou par une inquiétude sérieuse d’ordre médical, tels que des antécédents familiaux ou des maladies héréditaires. Traditionnellement, de tels tests étaient effectués dans un cadre médical par des professionnels de la santé, y compris des conseillers en génétique, qui expliquent les enjeux scientifiques et éthiques associés à ces test et aident les patients à interpréter les résultats.
Les test génétiques offerts directement aux consommateurs permettent à ces derniers, moyennant le simple effort d’envoyer par la poste un échantillon biologique, comme de la salive, de faire analyser leur ADN par des entreprises qui leur promettent de les aviser de tout risque relatif à une maladie en particulier.
Certains avancent que ces services offerts directement aux consommateurs facilitent l’accès aux test génétiques et améliorent la confidentialité des résultats, puisqu’ils ne sont pas nécessairement versés aux dossiers de santé officiels. Par contre, la fiabilité et la portée des résultats pourraient ne pas correspondre aux allégations des entreprises. Sur le plan de la protection de la vie privée, faire parvenir des renseignements personnels aussi sensibles qu’un échantillon d’ADN à des compagnies qui, à ce jour, demeurent largement non réglementées entraîne une myriade de risques. En milieu de soins de santé, la confidentialité des renseignements personnels et la sécurité des échantillons sont sujettes à un contrôle rigoureux. Sur Internet, c’est une toute autre histoire. Comment les entreprises assurent-elles la sécurité des échantillons et des résultats des tests ? Les renseignements sont-ils communiqués à des tiers ? Certaines entreprises rendent les renseignements « dépersonnalisés » accessibles à des tiers à des fins de recherche – mais peut-on faire confiance à cette « dépersonnalisation » ? Et qu’arrive-t-il aux renseignements personnels si l’entreprise est vendue ou ferme les portes ?
Récemment, le débat sur les services génétiques offerts directement aux consommateurs s’est intensifié : aux Etats-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) s’est penchée sur la disponibilité croissante de ces services et sur l’éventuelle nécessité de les réglementer. Au Royaume-Uni, la HGC (Human Genetics Commission) vient de publier des directives facultatives à l’intention des entreprises qui offrent ces services, incluant des lignes directrices sur la protection des données et sur le consentement, indiquant que « Le consentement éclairé n’est possible que si le consommateur reçoit suffisamment d’information pertinente sur les tests génétiques pour lui permettre de comprendre les risques, les avantages, les limites et les implications (y compris celles relatives à l’achat de produits d’assurance) associés à ces tests génétiques » [Traduction]. Dans le plus grand intérêt du consentement éclairé, la FTC (Federal Trade Commission) conseille aux consommateurs de consulter la politique de confidentialité des entreprises électroniques pour connaître les utilisations qu’elles prévoient faire des renseignements personnels et pour savoir si elles les transmettent à des spécialistes du marketing.
Au Canada, en 2008, le Conseil général de l’Association médicale canadienne (AMC) a adopté une résolution afin que l’AMC élabore une politique visant à fournir des conseils concernant la mise sur pied d’un système national chargé de la surveillance et de l’organisation des tests génétiques ainsi que de l’accès à ceux-ci. En mai 2010, l’AMC présentait un Cadre de réglementation national des teste génétiques offerts directement aux consommateurs[1] à titre d’outil pour mettre en lumière les enjeux relatifs à ces services.
De plus, dans le cadre d’une récente étude financée par le CPVP, les chercheurs du Health Law Institute de l’Université de l’Alberta ont analysé 32 politiques de confidentialité d’entreprises offrant des test génétiques directement au consommateurs, en les comparant aux principes relatifs à l’équité dans le traitement des renseignements qui sous-tendent la LPRPDE,la loi canadienne en matière de protection de la vie privée régissant le secteur privé. Des 32 sites Web étudiés, moins de la moitié affichaient une politique de confidentialité abordant le traitement des échantillons biologiques et des résultats des tests génétiques.
En guise de conclusion, le rapport présentait une liste de questions relatives à la protection de la vie privée que les consommateurs devraient se poser avant d’acheter des services de dépistage génétique en ligne. « Les consommateurs qui souhaitent obtenir des réponses à leurs questions — en examinant attentivement les politiques de protection sur la vie privée des entreprises et en communiquant directement avec les entreprises — pourront faire un choix plus éclairé quant à l’envoi de leurs renseignements personnels et d’échantillons génétiques à une entreprise. »
Bien sûr, il est tentant de satisfaire à sa curiosité concernant d’éventuels risques en matière de santé — mais les consommateurs doivent être conscients qu’ils pourraient en tirer plus — et moins — que ce à quoi ils s’attendaient.