Commentaires lors du colloque annuel de l’Association canadienne pour les études de renseignement et de sécurité, 30 octobre 2009, Ottawa, prononcée par Chantal Bernier
Commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada
…Comme vous le savez peut-être, avant de me joindre au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, j’étais au service du ministère de la Sécurité publique, où j’ai eu le privilège d’être sous-ministre adjointe au Secteur de la sécurité de la population et des partenariats.
À ce titre, j’ai travaillé de près à divers dossiers de sécurité et de renseignement.
Toute ma présentation est fondée sur le principe suivant : la protection de la vie privée et la sécurité ne sont pas incompatibles.
Au contraire, je dirais que les mesures de protection de la vie privée doivent faire partie intégrante de toute initiative visant à lutter contre le terrorisme ou les autres crimes.
Pourquoi? Parce que nous vivons dans une société libre et démocratique où les citoyens jouissent du droit de vivre, de voyager, de communiquer et d’effectuer leurs tâches quotidiennes sans que l’État intervienne de manière injustifiée.
Et pour des raisons pratiques aussi :
Les efforts pour renforcer la sécurité qui sont rigoureusement adaptés aux risques réels — et qui, de ce fait, réduisent les atteintes à la vie privée ou à d’autres droits — seront mieux ciblés et plus efficaces.
Par exemple, une enquête menée conformément à la loi, et d’une manière qui respecte la vie privée et les autres droits, fournira une justification et des éléments de preuve plus convaincants en cas de poursuite.
Autrement dit, les efforts investis dans le renforcement de la sécurité sont plus susceptibles de porter des fruits s’ils sont déployés de manière stratégique et ciblée. Un point essentiel à ne pas perdre de vue à cet égard est le respect du droit à la vie privée.
Scanners des aéroports
Nous nous sommes également intéressés de près au projet de l’ACSTA, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, d’installer dans plusieurs aéroports canadiens des scanners à ondes millimétriques permettant de saisir des images d’une personne de la tête aux pieds.
Ces appareils permettent de voir à travers les vêtements pour exposer les objets dissimulés, comme des armes ou de la drogue. Leur principal avantage par rapport aux détecteurs de métaux, c’est qu’ils peuvent détecter des objets non métalliques, tels que des armes de céramique ou encore des explosifs liquides ou plastiques.
Le Commissariat a examiné deux évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) préparées par l’ACSTA, l’une pour un projet pilote mené à l’aéroport de Kelowna et l’autre, plus récente, pour le projet dans son intégralité.
Comme nous l’avons indiqué à l’ACSTA plus tôt cette semaine dans notre réponse à son EFVP, nous estimons que cette technologie est, par sa nature même, une source d’intrusion parce qu’elle dévoile schématiquement le corps du voyageur. De nombreuses personnes pourraient juger qu’une telle technologie porte atteinte à leur vie privée.
C’est pourquoi nous avons collaboré avec l’ACSTA pour faire en sorte qu’il y ait des garanties adéquates pour protéger la vie privée.
L’un des principaux résultats obtenus, c’est que cette technologie sera utilisée strictement comme mesure de sécurité secondaire, après qu’une personne sera passée par un détecteur de métaux. Et surtout, cette mesure sera volontaire, les passagers ayant le choix entre cette technologie et la fouille par palpation.
Enfin, et cela est primordial pour la protection de la vie privée, les images ne seront pas enregistrées, imprimées ou transmises. Elles seront effacées dès que le passager aura franchi le scanner.
Quatre critères
Pour évaluer cette initiative et d’autres initiatives gouvernementales susceptibles d’avoir une incidence sur la vie privée, nous appliquons quatre critères : la nécessité, l’efficacité, la proportionnalité et l’existence de mesures moins envahissantes.
Nous nous demandons ceci : la mesure proposée est-elle vraiment nécessaire? L’organisme qui la propose a-t-il démontré qu’il y avait un problème réel et qu’il n’existait pas d’autres solutions viables?
Le deuxième critère est la proportionnalité. De nombreuses mesures constituent une ingérence dans la vie privée. C’est le prix à payer pour vivre en collectivité. En général, ce qui profite au groupe restreint certaines libertés des personnes, mais l’intrusion dans la vie privée doit être proportionnelle à l’avantage que l’on en retire.
Nous voulons aussi avoir une certaine garantie d’efficacité. Nous voulons nous assurer qu’une mesure qui porte atteinte à la vie privée, au nom du bien commun, atteint vraiment son objectif.
En ce qui concerne le quatrième critère, si une mesure portant atteinte à la vie privée des personnes est proposée, nous voulons savoir qu’elle est justifiée parce qu’il n’existe aucune mesure moins envahissante.