Vous savez, on ne s’inquiète pas suffisamment des renseignements recueillis à notre sujet – nos préférences, nos obsessions et nos déplacements. Non pas les collectes qu’effectuent les gouvernements, ni les agences de sécurité ni même les organismes chargés de l’application de la loi – mais les collectes qu’effectuent les entreprises qui nous desservent tous les jours.
Je suppose que tous ceux qui lisent ce blogue savent que les entreprises en ligne telle Amazon ont instauré des mesures de suivi et de surveillance; leurs moteurs de recommandation analysent nos activités antérieures comme les recherches, les achats et des éléments connexes pour ensuite suggérer des livres susceptibles de nous intéresser.
Dans son livre The Numerati, Steven Baker jette de la lumière sur les nombreux efforts déployés pour recueillir des renseignements sur les personnes, les groupes, les professions, les communautés et les segments démographiques. Ces renseignements risquent ensuite d’être analysés par des équipes de mathématiciens, de statisticiens et de penseurs intéressés hautement qualifiés, en vue d’identifier des liens entre des détails apparemment disparates – ces liens serviront aux entreprises dans leurs décisions tactiques pour approcher les clients.
Une fois ces renseignements analysés de façon adéquate, les entreprises peuvent cibler leur publicité, concevoir le placement de produits dans les épiceries, surveiller nos parents vieillissants, rassembler des équipes d’experts provenant du monde entier, anticiper le début de maladies comme la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer et, bien entendu, vous guider aux urnes le jour des élections.
« Je crois que nous en sommes au tout début. Ils ne vous connaissent pas très bien encore. [… ] Il est important de savoir qu’ils commencent par des domaines où ils risquent de faire des erreurs. […] Ceux qui surveillent les achats possèdent d’incroyables quantités de données sur les habitudes d’achat de tous; ils comprennent ce qui pousse un consommateur de Cheerios à acheter des Cheerios.
Ceux qui luttent contre le terrorisme ne possèdent pas de données valables sur le comportement des terroristes potentiels, ce qui rend leur travail d’autant plus difficile… »
Il est inquiétant de lire Baker raconter une conversation qu’il a eu avec un mathématicien principal de la National Security Agency. Baker lui a demandé : « Possédez-vous trop d’information? »
Qu’a répondu le mathématicien? « On ne possède jamais trop d’information. Il se pourrait qu’on ne la comprenne pas; il se pourrait qu’on ne sache pas la gérer adéquatement; il se pourrait qu’on ne sache pas comment la conserver – mais on ne possède jamais trop d’information. »
Rappelez-vous que les numerati que Baker décrit dans son livre ne recueillent pas de renseignements personnels (au sens usuel du terme), mais ils peuvent élaborer et dévoiler un portrait incroyablement précis des préférences et des choix des consommateurs.
Une fois ces portraits combinés avec des données démographiques standards, ou même des fichiers d’électeurs, ces virtuoses des maths sont capables de créer des profils qui aideront les spécialistes du marketing, les concepteurs de produits ou les conseillers politiques à mieux cibler et concentrer leurs efforts afin d’influencer nos décisions.
« Ils font quantité d’erreurs. Mais ils excellent dans des domaines comme la publicité, où ils peuvent se permettre de commettre des erreurs. »
Les citations ci-dessus proviennent d’une entrevue entre Stephen Baker et Leonard Lopate à la WNYC.
Nora Young, l’animatrice de l’émission Spark de la CBC, a également interviewé Baker, et voici un commentaire particulièrement éclairant et drôle tiré de cette entrevue :
« Il y a une histoire à propos d’un agent du FBI en Californie qui voulait surveiller la consommation d’hummus, pensant que l’hummus pouvait être un indicateur d’activité terroriste. Et vous savez, je ne sais pas ce qui en est ici, mais où je vis, l’hummus est un indicateur de yoga. »