De nouveau en pleine campagne électorale fédérale, un certain nombre d’enjeux politiques ayant une incidence sur la protection de la vie privée sont en suspens jusqu’au 15 octobre. Le débat sur les droits d’auteur était l’un des enjeux les plus litigieux devant les Communes et l’un de ceux qui a le plus vivement intéressé les Canadiennes et les Canadiens partout au pays. Avant le déclenchement des élections, nous avons reçu une lettre de James Pew, propriétaire d’un studio d’enregistrement à Toronto. Il souhaitait, à titre de propriétaire de petite entreprise, exprimer ses préoccupations concernant le projet de législation sur les droits d’auteurs; il précisait que le projet « ne tenait pas compte des besoins des consommateurs et des créateurs canadiens qui exploitent les possibilités qu’offre la technologie numérique ». (Vous pouvez consulter la version intégrale de sa lettre dans son blogue.)
Le Commissariat a cru bon répondre à M. Pew pour lui faire part de ses préoccupations concernant l’avant-projet de loi – plus particulièrement sur le fait que les logiciels de gestion numérique des droits (GDN) auxquels recourent les détenteurs de droits d’auteurs et que le suivi des consommateur qu’effectuent les fournisseurs d’accès Internet (FAI) ne tiennent pas compte du droit à la vie privée des consommateurs. Vous trouverez ci-dessous la version intégrale de la lettre qu’a écrite la commissaire Stoddart en réponse à M. Pew.
Alors que l’avant-projet de loi est mort au feuilleton avec la dissolution du Parlement et le déclenchement subséquent des élections, nous nous attendons à ce que le débat sur les droits d’auteur reprenne pendant la prochaine session parlementaire.
Cher Monsieur Pew,
Merci de m’avoir transmis la lettre que vous avez adressée récemment à votre député. Vous y faites part de vos observations au regard des modifications proposées cet été à la Loi canadienne sur le droit d’auteur. Je suis sensible à vos réflexions et j’ai moi-même des préoccupations relatives au projet de loi C-61.
Le Commissariat participe au débat sur cet enjeu depuis que des modifications similaires ont été proposées en 2005. À l’instar du projet de loi C-61, ce projet est mort au feuilleton avec le déclenchement d’élections. Toutefois, les enjeux sous-jacents continuent de me préoccuper. Comme je l’ai expliqué dans une lettre aux ministres responsables, à titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, deux aspects de cette loi me tracassent.
D’abord, les modifications permettraient aux entreprises d’intégrer des logiciels de gestion numérique des droits (GDN) dans les médias vendus aux consommateurs canadiens. Par le passé, ces outils ont servi à recueillir des renseignements personnels des utilisateurs à leur insu et sans leur consentement. On a aussi démontré que les logiciels GDN engendraient d’autres problèmes de sécurité. Ces pratiques ne tiennent aucunement compte des principes que renferme la loi canadienne en matière de protection de la vie privée qui régit le secteur privé : la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Aussi ai-je demandé aux ministres qui supervisent le dossier sur les droits d’auteur de prendre en considération les répercussions de toute nouvelle loi sur la protection de la vie privée. Le Commissariat a également préparé une fiche d’information sur la gestion numérique des droits qui saura sans doute vous intéresser.
Deuxièmement – et c’est sûrement encore plus grave – il y a le rôle que les fournisseurs d’accès Internet (FAI) seraient tenus de jouer, c’est-à-dire d’effectuer le suivi des activités des consommateurs, de les consigner et d’émettre des rapports à ce sujet. La plupart des Canadiennes et des Canadiens ne s’attendent pas à ce que leurs services Internet intègrent une surveillance systématique et routinière et ne le souhaitent pas. Jeter un si grand filet sur des millions d’abonnés – à l’unique fin de s’assurer du respect des droits d’auteur dans des cas isolés – me paraît grossièrement disproportionné. C’est particulièrement inquiétant lorsque l’on sait que les intérêts commerciaux des entreprises de télécommunications et ceux des créateurs de médias convergent, au détriment du droit à la vie privée des consommateurs.
Cela dit, même si j’ai porté ces enjeux à l’attention du gouvernement et du grand public, j’espère que tous les partis profiteront de l’élection en cours pour préciser leur position sur ces questions importantes. Je vous remercie de nouveau pour votre lettre.
Veuillez agréer, Monsieur Pew, l’expression de mes sentiments distingués.
La commissaire à la protection de la vie privée du Canada,
Jennifer Stoddart