Au grand déplaisir des organismes de réglementation de la vie privée européens, Google a longtemps soutenu que les adresses IP ne constituaient pas des renseignements personnels. Évidemment, Google a fait valoir cette position avec force.
Eh bien, ce point de vue très public est maintenant revenu hanter le géant de la recherche. Un groupe de médias américain, Viacom, a tiré profit du point de vue de Google lors d’un procès tenu dans une salle d’audience de New York.
À partir de déclarations prises sur le blogue de Google, Viacom a demandé à un juge de New York de contraindre Google à produire des renseignements détaillés sur les utilisateurs de son service Youtube, y compris les registres de recherches, les adresses IP individuelles et un registre des vidéos auxquelles ils ont accédé sur YouTube.
Viacom poursuit Google – qui a acheté YouTube en 2006 – pour 1 milliard de dollars US (). Le géant des médias soutient que le contenu média qu’il devrait contrôler est téléchargé et qu’on y accède illégalement sur YouTube.
Viacom a fait valoir que YouTube et Google pourraient mieux bloquer l’accès au matériel protégé par le droit d’auteur, mais ne le font pas, parce que c’est ce que la plupart des gens recherche.
Les registres de recherches de Google démontreront combien de fois les employés de bureau du monde entier regardent le Daily Show (et d’autres productions Viacom) sur leur ordinateur de bureau – et donneront une idée des revenus que Viacom perd à cause de cela.
Les données donneront également à Viacom un portrait de qui exactement regarde ses émissions (ainsi que celles de ses compétiteurs), quand, à quelle fréquence, et à partir de quelles sources de diffusion.
Le juge a statué que la demande de Viacom était raisonnable, et Google est maintenant obligé légalement de remettre ses registres de recherches.
Mais où intervient le droit à la vie privée des personnes dans cette décision? Il n’intervient pas. Le juge a écrit dans sa décision que les bases de données de Google « contiennent, pour chaque fois qu’une vidéo est regardée, l’utilisateur particulier qui l’a regardée, l’heure à laquelle l’utilisateur a commencé à la regarder, l’adresse de protocole Internet que les autres appareils branchés à Internet utilisent pour identifier l’ordinateur de l’utilisateur (« adresse IP »), et l’identificateur de la vidéo […] la base de données (qui est entreposée sur des disques durs d’ordinateurs en direct) est le seul registre permettant de savoir à quelle fréquence chaque vidéo a été regardée lors de périodes variées. » [Traduction]
Le juge a pris acte d’une loi américaine protégeant le droit à la vie privée personnes en ce qui concerne leurs habitudes de location de vidéos, la Video Privacy Protection Act, mais il a déterminé qu’elle ne s’appliquait qu’aux bandes-vidéo.
Quelle loi peut obliger à produire ce type de renseignements personnels? La Digital Millennuim Copyright Act de 1998.
Est-ce que l’historique des Canadiennes et Canadiens utilisant YouTube sera remis également? C’est presque certain, puisque les lois fédérales américaines ne protègent pas le droit à la vie privée en ce qui concerne « les données personnelles soumises à des moteurs de recherche ou les adresses IP ». Le Globe and Mail a indiqué que « le juge n’a établi aucune limite géographique spécifique pour les données que Google doit produire, ce qui signifie que les noms des utilisateurs et les adresses de protocole Internet (IP) de millions de Canadiennes et Canadiens et d’autres utilisateurs de YouTube à l’extérieur des États-Unis pourraient également être compromis. » [Traduction]
Les adresses IP peuvent-elles être utilisées pour localiser des personnes? Assez facilement. Avez-vous accédé à du contenu illégal en ligne? Nous espérons que non, maintenant que les avocats de Viacom ont votre numéro.
Enfin, les nouvelles modifications à la Loi sur le droit d’auteur canadienne ouvrent-ils la porte à des poursuites similaires ici?
Eh bien, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer qu’en vertu de l’article 41.26 de la nouvelle loi, tout fournisseur d’accès Internet ou moteur de recherche qui reçoit un avis de violation du droit d’auteur doit « conserver, pour une période de six mois […] un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient [un] emplacement électronique [adresse IP] […] dans le cas où […] une procédure est engagée par le titulaire du droit d’auteur à l’égard de la prétendue violation […] pour une période d’un an à compter de la date de la réception de l’avis de prétendue violation. » Qu’en pensez-vous?