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Le plus gros mensonge sur Internet : ne tenir aucun compte des politiques de confidentialité ni des politiques relatives aux conditions d’utilisation des services de réseautage social

Jonathan A. Obar (Université York)

Octobre 2016

Remarque : Ce document a été présenté par les auteurs ou auteures au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada dans le cadre de la consultation sur le consentement en vertu de la LPRPDE.

Avertissement : Les opinions exprimées dans ce document sont celles des auteurs ou auteures et ne reflètent pas nécessairement celles du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Comme ce mémoire a été fourni par une entité non assujettie à la Loi sur les langues officielles, il a été traduit de sa langue d’origine par le Commissariat à titre indicatif. En cas de divergence, veuillez consulter la version anglaise. Pour plus d’information sur la politique du Commissariat sur l’offre de contenu dans les deux langues officielles, vous pouvez consulter la page d’Avis importants.


Le présent mémoire concernant le dialogue du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le Commissariat) sur le consentement et la protection de la vie privée donne un aperçu d’une étude que j’ai récemment cosignée avec Mme Anne Oeldorf‑Hirsch (Université du Connecticut) intitulée « The Biggest Lie on the Internet: Ignoring the Privacy Policies and Terms of Service Policies of Social Networking Services [version temporaire] » (le plus gros mensonge sur Internet : ne tenir aucun compte des politiques de confidentialité ni des politiques relatives aux conditions d’utilisation des services de réseautage social). Le plus gros mensonge étant « J’accepte ces conditions d’utilisation ». L’étude est présentement entre les mains d’un comité examinateur. Pour les intéressés, cette étude a été commentée dans un article paru dans la publication Ars Technica intitulé : « TOS agreements require giving up first born-and users gladly consent: Study participants also agreed to allow data sharing with the NSA and employers » (les conventions de services exigent d’abandonner son premier‑né et les utilisateurs y consentent volontiers : les participants à l’étude ont également convenu d’autoriser le partage de données avec l’Agence nationale de sécurité et les employeurs). Le contenu de ce document répond à la question 2 du Commissariat examinée brièvement ci‑après.

Résumé de l’étude

Le présent document porte sur « le plus gros mensonge sur Internet » et comprend un examen empirique des comportements en matière de lecture des politiques de confidentialité et des politiques relatives aux conditions d’utilisation. Une enquête expérimentale (N = 543) a permis d’évaluer la mesure dans laquelle les gens n’ont tenu aucun compte de la politique de confidentialité et des conditions d’utilisation lorsqu’ils se sont inscrits à un site de réseautage social fictif appelé NameDrop. Les résultats révèlent que 74 % ont fait abstraction de la politique de confidentialité et ont sélectionné l’option d’inscription rapide. Pour ce qui est de ceux qui ont pris le temps de lire l’information, le temps de lecture moyen de la politique de confidentialité était de 73 secondes et le temps de lecture moyen des conditions d’utilisation était de 51 secondes. Selon la vitesse de lecture moyenne des adultes (de 250 à 280 mots à la minute), il aurait fallu 30 minutes pour lire la politique de confidentialité, et 16 minutes pour lire les conditions d’utilisation. Une analyse de régression a révélé que la surabondance d’information constituait une variable explicative négative de la lecture des conditions d’utilisation au moment de l’inscription, de même que lorsque des modifications sont apportées aux conditions d’utilisation et à la politique de confidentialité. Les résultats qualitatifs donnent également à penser que les participants jugent les politiques ennuyeuses, n’en tenant aucun compte pour obtenir la production numérique voulue, et ce, sans être gênés par le processus d’obtention. L’enquête a révélé des répercussions à cet égard, car 98 % des participants n’ont pas pris connaissance des dispositions « je t’ai eu » au sujet du partage de données avec l’Agence nationale de sécurité et les employeurs, ainsi que de l’abandon de son premier‑né comme paiement d’accès au service de réseautage social.

Extrait de la section d’examen (p. 23)

Bien qu’une petite minorité de participants aient exprimé des préoccupations concernant la vie privée, la grande majorité des participants ont fait l’éloge des options d’inscription rapide les aidant à omettre la lecture des avis. Ce n’est pas uniquement que les politiques de confidentialité et les politiques relatives aux conditions d’utilisation sont considérées comme ennuyeuses, voire inutiles, c’est que les utilisateurs naviguent sur Internet et utilisent les services de réseautage social pour effectuer diverses tâches souhaitées, à savoir communiquer avec des amis et des membres de leur famille en ligne, et profiter de tout ce que les services de réseautage social ont à offrir. L’un des participants a indiqué que ses amis utilisent les médias sociaux afin de se tenir au courant de la vie de chacun et qu’il souhaite s’inscrire le plus rapidement possible, tandis qu’un autre participant a affirmé que c’est embêtant de lire un très grand nombre de pages ennuyeuses au sujet de la confidentialité et de la sécurité lorsque le site auquel on s’inscrit offre des possibilités beaucoup plus intéressantes.

Il est clair que la tenue d’une discussion juridique au sujet du partage de données, de l’Agence nationale de sécurité et de la protection de la vie privée en général est loin de la raison pour laquelle les gens choisissent de naviguer sur Internet. Solove établit une analogie appropriée entre la lecture de politiques et le processus aux termes duquel les élèves reçoivent des devoirs. Les utilisateurs ne sont pas à la recherche de devoirs lorsqu’ils naviguent sur Internet, bien au contraire, il est probable que de nombreux utilisateurs cherchent à échapper à leurs devoirs lorsqu’ils accèdent aux services de réseautage social. Les utilisateurs souhaitent obtenir la production numérique voulue, et ce, sans être gênés par des données ou une discussion sur le processus d’obtention. [traduction]

Question du Commissariat no 2 : « Avez‑vous d’autres solutions à proposer pour relever les défis associés au consentement? Veuillez expliquer. »

Il est possible d’adopter des solutions pragmatiques lorsque les défis sont établis avec exactitude. L’un des objectifs de notre étude consiste à démontrer d’un point de vue empirique la mesure dans laquelle les gens ne tiennent aucun compte des politiques de confidentialité ni des politiques relatives aux conditions d’utilisation. Trop souvent, les universitaires et les décideurs font des hypothèses dans ce domaine sans se référer à l’évidence empirique ou à des explications nuancées. Nos recherches donnent à penser que la plupart des personnes considèrent les avis comme une tâche fastidieuse et sans raison d’être pour entretenir des relations en ligne. Les utilisateurs préfèrent des options d’inscription rapide de sorte qu’ils puissent atteindre leur objectif de communication numérique rapidement. Cela donne à penser que le défi en matière de consentement ne se limite pas à réduire la longueur des politiques, le nombre de politiques et la complexité des politiques ni même à améliorer l’accessibilité des politiques. Dans l’étude, l’un des points soulignés est celui du défi considérable que représente la nécessité de changer l’attitude des gens à l’égard des avis. Quels incitatifs existe‑t‑il pour motiver les gens à protéger leur vie privée et leur réputation en ligne? En l’absence d’incitatifs clairs et d’un changement culturel porté par un énoncé clair de l’importance des avis, la situation ne changera que peu.

Une politique fondée sur des avis et des options constitue un excellent point de départ, mais une fin en soi lamentable. En l’absence des outils nécessaires pour rendre le consentement possible, les niveaux de participation demeureront inchangés. Les Canadiens ont accès à des données financières, les examinent, les gèrent, les corrigent et les présentent au gouvernement chaque année pendant la période des impôts. Il s’agirait d’un défi redoutable à relever s’il n’existait aucun système de soutien pour offrir de l’aide à cet égard. Les impôts sont exigés par le gouvernement, contrairement à la protection de la vie privée et à la gestion de la réputation en ligne. Si le Commissariat souhaite accroître la participation au moyen de processus de consentement, on peut tirer de nombreuses leçons des méthodes qui soumettent avec succès des millions de Canadiens au système d’imposition. Il pourrait s’agir de services d’infomédiation et de systèmes de soutien gouvernementaux. La question relative à l’infomédiation fait actuellement l’objet de mes recherches et je serais heureux d’en discuter de façon plus approfondie en tant qu’orientation possible d’une enquête plus approfondie.

J’ai lu et compris les procédures de consultation. Ces commentaires s’adressent à la fois au Commissariat et au gouvernement fédéral.

Merci de votre collaboration.

Je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Jonathan A. Obar, Ph. D.
Professeur adjoint, Université York

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