Protéger l’examen indépendant des documents pour lesquels le secret professionnel de l’avocat est invoqué
Iqaluit (Nunavut), les 17 et 18 octobre
CONTEXTE
Les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée fédéraux, provinciaux et territoriaux du Canada (les commissaires) assument un rôle de surveillance essentiel en assurant que les institutions publiques respectent leurs obligations en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée. Les commissaires effectuent un premier niveau d’examen indépendant en examinant la façon dont les institutions publiques traitent les demandes d’accès aux documents.
L’examen indépendant effectué par chacun des commissaires dépend fondamentalement de leur capacité à examiner les documents pertinents pour lesquels des institutions publiques invoquent des exceptions, y compris celle relative au secret professionnel de l’avocatNote de bas de page 1, afin de déterminer si ces exceptions ont été appliquées de façon adéquate.
Dans Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. University of Calgary, 2016 SCC 53 (University of Calgary), la Cour suprême du Canada a récemment déterminé que la disposition législative utilisée dans la Freedom of Information and Protection of Privacy Act (FOIP) de l’Alberta (loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée) n’exprime pas une intention suffisamment claire et non équivoque pour conférer au commissaire de l’Alberta le pouvoir d’obtenir aux fins d’examen les documents à l’égard desquels le secret professionnel de l’avocat est invoqué. La Cour suprême est arrivée à cette conclusion malgré la terminologie utilisée dans la FOIP qui autorise le commissaire de l’Alberta à ordonner la production de documents nonobstant toute « immunité reconnue par le droit de la preuve » [traduction].
La terminologie utilisée dans les dispositions législatives conférant les pouvoirs aux commissaires à l’information et à la protection de la vie privée varie d’une juridiction à l’autre. En raison de ces variations terminologiques, les commissaires du Canada sont préoccupés par les ramifications potentielles que la décision de la Cour suprême dans University of Calgary pourrait avoir sur l’application des lois relatives à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée dans tout le pays.
CONSIDÉRANT QUE
- L’accès à l’information et la protection à la vie privée sont des droits quasi constitutionnels qui sont fondamentaux à l’autodétermination individuelle, à la démocratie, à la reddition de comptes et à la bonne gouvernance;
- Les décisions prises par les institutions publiques quant à la divulgation d’information doivent être examinées de façon indépendante afin d’assurer l’atteinte des objectifs fondamentaux de la législation en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée à tous les niveaux;
- Les commissaires du Canada font un premier niveau d’examen indépendant en évaluant comment les institutions publiques traitent les demandes d’accès aux documents et aux renseignements personnels. Ce pouvoir de surveillance des institutions publiques a été attribué aux commissaires du Canada par les assemblées législatives et le Parlement;
- Les commissaires reconnaissent l’importance des protections accordées par le secret professionnel de l’avocat pour le fonctionnement adéquat du système juridique canadien;
- Les commissaires ont des pratiques et des procédures en place pour assurer la confidentialité et la sécurité de l’information qui leur est confiée, y compris l’information pour laquelle les institutions publiques ont invoqué le secret professionnel de l’avocat;
- Le fait de fournir aux commissaires du Canada des documents pour lesquels le secret professionnel de l’avocat est invoqué dans le but de mener un examen indépendant ne constitue pas une renonciation à ce privilège. L’examen effectué par les commissaires vise seulement à confirmer si les documents sont assujettis au secret professionnel de l’avocat. Les commissaires ne divulguent pas ces documents ni ne les utilisent autrement;
- La Cour suprême a déterminé qu’une disposition législative visant à écarter le secret professionnel de l’avocat doit être claire, explicite et non équivoque.
PAR CONSÉQUENT
Lorsqu’il existe un doute quant à la clarté de la terminologie utilisée dans une disposition législative existante, les commissaires demandent aux gouvernements concernés de modifier leur législation en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée afin d’exprimer l’intention manifeste que le commissaire concerné a le pouvoir d’ordonner la production de documents pour lesquels le secret professionnel de l’avocat est invoqué afin de déterminer si cette exception a été appliquée de façon adéquate.
Liste des signataires :
- Suzanne Legault, Commissaire à l’information du Canada
- Daniel Therrien, Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
- Jill Clayton, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta
- Drew McArthur, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée par intérim de la Colombie-Britannique
- Charlene Paquin Ombudsman du Manitoba, Donovan Molloy, c.r., Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de Terre-Neuve-et-Labrador
- Elaine Keenan Bengts, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée des Territoires du Nord-Ouest et commissaire à l’information et à la protection de la vie privée du Nunavut
- Catherine Tully, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Nouvelle-Écosse
- Brian Beamish, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario
- Karen A. Rose, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Île-du-Prince-Édouard
- Me Jean Chartier, Président, Commission d’accès à l’information du Québec
- Ronald J. Kruzeniski, c.r., Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan
- Diane McLeod-McKay, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée du Yukon
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