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Vie privée et cybersécurité
Mettre l’accent sur la protection de la vie privée dans les activités de cybersécurité

Rapport préparé par le Groupe de recherche, Services juridiques, politiques et recherche du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

Décembre 2014


Résumé

Le présent rapport porte sur les intérêts communs et les tensions entre la vie privée et la cybersécurité. On y examine comment les défis au chapitre de la cybersécurité touchent également la protection de la vie privée et des données, et comment les politiques en matière de cybersécurité peuvent influer sur la vie privée. On y souligne en outre de quelle façon la gouvernance et la sécurité du cyberespace constituent des enjeux internationaux. Enfin, le rapport établit des orientations stratégiques clés dans le but de susciter le dialogue sur la cybersécurité en tant qu’élément important de la protection de la vie privée en ligne.

Introduction

Le « cyberespace » se trouvant désormais au centre de l’infrastructure mondiale de l’information et des communications, sa sécurité est devenue une priorité plus urgente pour les entreprises et les gouvernements à l’échelle internationaleNote de bas de page 1. En fait, la stratégie Canada numérique 150, lancée en avril 2014, vient parachever la stratégie du Canada en matière de cybersécurité en faisant de la protection des Canadiens l’un de ses cinq piliersNote de bas de page 2. Selon le document Stratégie de cybersécurité du Canada (la stratégie) datant de 2010, le cyberespace est « le monde électronique créé par des réseaux interconnectés formés de systèmes de technologie de l’information et de l’information qui se trouve sur ses réseaux. Le cyberespace est un bien commun reliant plus de 1,7 milliard de personnes qui échangent des idées et des services et qui tissent des liens d’amitiéNote de bas de page 3 ». Bien que le mot de « cybersécurité » ne soit pas défini dans la stratégie, on considère généralement qu’il désigne toutes les mesures adoptées pour protéger les renseignements électroniques et l’infrastructure qui les accueilleNote de bas de page 4.

Les technologies omniprésentes, interconnectées et qui offrent un accès facile à Internet font désormais partie intégrante de notre quotidien. De ce fait, nous dépendons de plus en plus du cyberespace pour les interactions sociales, économiques et politiques. Le Web constitue une plateforme pour tout un éventail de secteurs et de services touchant les infrastructures essentielles, notamment les soins de santé, l’alimentation et l’eau, les finances, les technologies de l’information et des communications, la sécurité publique, l’énergie et les services publics, le secteur de la fabrication, le transport et le gouvernementNote de bas de page 5. La connectivité du cyberespace contribue à l’augmentation de tous ces secteurs d’infrastructure essentiels et par conséquent, elle est vitale pour la croissance économique future du CanadaNote de bas de page 6.

Par ailleurs, l’environnement Internet fait de plus en plus souvent l’objet de menaces sophistiquées et ciblées; notre dépendance croissante au cyberespace crée de nouvelles et importantes vulnérabilitésNote de bas de page 7. Le risque est décuplé par un certain nombre de facteurs : plus de données électroniques précieuses sont stockées et traitées à très grande échelle, la plupart du temps dans l’infonuagique; de puissants appareils numériques portables comme les téléphones intelligents, les tablettes numériques et les ordinateurs portables font de plus en plus partie de toutes les facettes de notre vie; les renseignements sont échangés, combinés et liés à d’autres renseignements à une plus grande fréquence; les relations avec des tiers (par exemple, la sous-traitance à un fournisseur de services en nuage) sont monnaie courante. À moins que les composantes soient toutes aussi sûres les unes que les autres, c’est le système en entier qui est vulnérable, les cybercriminels sachant souvent très bien comment exploiter les faiblesses du cyberespace.

Par exemple, en 2011, le Canada a subi une importante atteinte à la sécurité quand les systèmes informatiques de trois ministères clés du gouvernement fédéral ont été infiltrésNote de bas de page 8. Même si aucun renseignement personnel n’a, semble-t-il, été compromis au cours de l’attaque, les pirates ont pu voler des documents hautement confidentiels et ils ont obligé les ministères à se retirer d’Internet pendant des moisNote de bas de page 9. En 2012, le vérificateur général du Canada signalait que la réaction du gouvernement à cette atteinte à la sécurité de 2011 a démontré que les systèmes étaient clairement vulnérables et que les pratiques exemplaires en matière de sécurité de l’information n’étaient pas appliquées de manière uniformeNote de bas de page 10. Le vérificateur général indiquait également que jusqu’alors, la mise en œuvre de la stratégie avait été lente et qu’en conséquence, la capacité du pays de protéger le cyberespace était extrêmement sous-développéeNote de bas de page 11. Plus récemment, en 2014, une grande part du monde virtuel s’est trouvé aux prises avec « Heartbleed », un bogue de sécurité qui a mis en évidence la vulnérabilité d’un processus de cryptage couramment utilisé. Ce bogue était susceptible compromettre les noms d’utilisateur, mots de passe et autres éléments de contenu confidentiels de divers sites Web, notamment des sites populaires de médias sociaux, des fournisseurs de services de messagerie électronique sur le Web et un certain nombre de sites commerciaux électroniquesNote de bas de page 12. Plus récemment encore, le logiciel malveillant « Blackshade » a permis la capture de renseignements sur l’ordinateur d’une victime, notamment des touches de frappe, photographies, documents et mots de passe, pour avoir accès à des comptes en ligne. Ces incidents nous ont portés à réfléchir à la fragilité d’Internet et du caractère nécessaire de la cybersécurité.

Le Plan d’action 2010-2015 de la Stratégie de cybersécurité du Canada (le Plan d’action), rendu public en avril 2013, résume les progrès accomplis à ce jour ainsi que les plans continus du gouvernement pour mettre en œuvre la stratégie, laquelle a été bonifiée par la publication en avril 2014 de Canada numérique 150, qui repose sur cinq piliers : un Canada branché, un Canada protégé, les possibilités économiques, le gouvernement numérique et le contenu canadienNote de bas de page 13. Depuis 2010, le gouvernement du Canada a structuré sa stratégie et son Plan d’action autour de trois piliers : 1) sécuriser les systèmes du gouvernement fédéral, 2) nouer des partenariats pour protéger les cybersystèmes essentiels à l’extérieur du gouvernement fédéral, et 3) aider les Canadiens à se protéger en ligneNote de bas de page 14. Le volet visant à sensibiliser la population est celui qui, à ce jour, a reçu l'attention la plus soutenue. Le volet visant à sensibiliser la population est celui qui, à ce jour, a reçu l’attention la plus soutenue. Depuis le lancement de la stratégie, le gouvernement du Canada s’est concentré en priorité sur la sensibilisation et la mobilisation du public, indiquant aux Canadiens comment protéger leurs renseignements personnels dans la sphère numériqueNote de bas de page 15.

Par exemple, puisque le secteur privé est responsable en grande partie de la cybersécurité, la majorité des renseignements générés et stockés dans le cyberespace ne sont pas sous le contrôle des utilisateurs, mais entre les mains de nombreux fournisseurs du secteur privé et de tiers. Étant donné que les infrastructures essentielles sont aussi largement contrôlées par le secteur privé au CanadaNote de bas de page 16, le deuxième pilier de la stratégie et du Plan d’action reconnaît que bon nombre des risques et des répercussions des cyberincidents sont partagés entre le secteur public et le secteur privé.

La protection de la vie privée et la cybersécurité devraient être considérées comme des éléments interreliés : étant donné que des quantités toujours plus grandes de renseignements personnels sont traités et stockés en ligne, la protection de la vie privée repose de plus en plus sur la mise en œuvre efficace par les organisations de mesures de cybersécurité pour protéger les renseignements personnels tant au moment de leur transit que lorsqu’ils sont stockésNote de bas de page 17. Dans certains cas, les mesures de cybersécurité sous-tendent les infrastructures essentielles qui protègent les données, ce qui, du coup, protège les renseignements personnels.

Toutefois, à l’instar de nombreuses mesures de sécurité, certains efforts liés à la cybersécurité peuvent également constituer une menace pour la vie privée; la relation entre ces deux éléments n’est pas en totale harmonie. Les activités de cybersécurité peuvent exiger une surveillance constante des activités sur un réseau pour détecter les anomalies et les menaces, et parfois une surveillance de cette nature suppose la saisie et l’analyse de quantités énormes de renseignements personnels.

1. Les défis de la cybersécurité

Dans son rapport paru en janvier 2014, le Forum économique mondial examine le besoin d’adopter de nouvelles méthodes permettant d’accroître la résilience à l’égard des cyberattaques, et suggère que l’incapacité à sécuriser efficacement le cyberespace pourrait se traduire par des pertes combinées d’environ 3 000 milliards de dollars américains d’ici 2020Note de bas de page 18. Cependant, bon nombre des défis liés à la cybersécurité s’appliquent également à la protection de la vie privée et des données. La cybersécurité ne constitue d’aucune façon un problème immuable comportant une solution permanente. Les menaces qui pèsent sur les renseignements dans le cyberespace évoluent rapidement, et plus récemment, elles se sont propagées à d’autres voies de communication telles que les médias sociaux et les technologies mobiles. Tandis que les organisations s’efforcent de suivre les changements créés par les technologies innovatrices, les pratiques sociales ainsi que les menaces en perpétuelle évolution, les données produites, colligées et stockées à très grande échelle peuvent devenir vulnérables à ces cybermenaces. Voici quelques-uns des défis émergents en matière de protection des données et de cybersécurité.

a) Complexité de l’« environnement branché »

L’évolution continue du cyberespace en tant qu’univers entièrement électronique créé à partir des réseaux interconnectés en parallèle avec notre environnement physique se caractérise par une quantité énorme de données. L’économie moderne dépend de plus en plus d’une vaste quantité de données numériques générées par les opérations financières, les communications, les activités de loisirs, les voyages, les achats, l’exploration du Web et des centaines d’autres activités de tous les joursNote de bas de page 19. Des éléments de données sont sans cesse combinés, reliés, comparés et associés à d’autres renseignements tandis que les organisations tentent de tirer profit de la valeur qu’ils représentent et d’offrir des services nouveaux et améliorés à leurs utilisateurs. Les systèmes électroniques et les réseaux numériques qui permettent ces opérations et ces communications consignent également nos préférences et d’autres détails personnels, et suivent nos activités en ligne et de plus en plus, nos déplacements physiques. Le volume de données générées dans le cyberespace ne peut que croître de façon exponentielle une fois que l’« Internet des choses » se concrétisera et que des capteurs dans les appareils signaleront de façon autonome le lieu, la situation et l’environnement, fournissant des mises à jour en temps réel ou contribuant à surveiller ou à contrôler les dispositifs à distanceNote de bas de page 20.

Le cyberespace est devenu intrinsèquement complexe à gérer, et le sécuriser constitue un défi. La connectivité constante et accrue, au moyen d’un éventail toujours plus grand de dispositifs mobiles et de services disponibles, les relations avec de tierces entreprises, les infrastructures de services informatiques infonuagiques, les accords de partage d’information et les autres processus opérationnels automatisés ou intégrés dans le cyberespace sont autant d’éléments qui continuent de comporter des risques tant pour la cybersécurité que la vie privée. Les menaces dans le cyberespace continueront de cibler les maillons les plus faibles de tout réseau complexe de relations d’affaires ou de processus gouvernementaux, ce qui signifie que les acteurs dans le domaine de la cybersécurité devront exercer un rôle commun dans la protection de l’infrastructure et de l’information qui y circule.

b) Sophistication croissante de la menace

Les menaces en ligne sont peut-être invisibles, mais leurs effets sont tout à fait tangibles et les systèmes interconnectés qui sont accessibles à l’échelle planétaire sont vulnérables de manière inhérente. À mesure que la masse des renseignements qui circulent dans le cyberespace s’est accrue, leur valeur a également augmenté pour les entreprises, les gouvernements et les personnes aux intentions malveillantes. Nos données laisse désormais une plus grande empreinte numérique, nous exposant davantage aux cybermenacesNote de bas de page 21. Là où il y a une possibilité de profit, il y a généralement un marché pour les activités criminelles, mais comme le signale Gabriella Coleman, le piratageNote de bas de page 22et la cybercriminalité se sont également « professionnalisées », devenant ainsi beaucoup plus sophistiquéesNote de bas de page 23. Les menaces parrainées, conduites ou approuvées par certains pays, sont également de plus en plus courantesNote de bas de page 24. On les appelle parfois des menaces persistantes avancées (MPA) et bien souvent, elles sont le fait de personnes instruites et dotées de ressources appréciables qui se concentrent sur le vol de secrets, incluant le vol de propriété intellectuelleNote de bas de page 25.

Ronald Deibert, directeur du Canada Centre for Global Security Studies and Citizen Lab, à la Munk School of Global Affairs, Université de Toronto, explique que la cybercriminalité augmente en fréquence et en complexité pour plusieurs raisons : [traduction] « Premièrement, la présence en ligne, qu’il s’agisse de personnes, d’entreprises, d’organisations ou de gouvernements, augmente rapidement et du coup, multiplie la base des cibles potentielles. Deuxièmement, nos façons de communiquer et d’échanger de l’information en ligne ont considérablement changé au cours des dernières années avec la croissance des réseaux sociaux, l’informatique en nuage et les formes mobiles de connectivité. Nous partageons plus de données entre nous, nous confions leur circulation à un tiers sur lequel nous n’avons aucun contrôle immédiat, et nous cliquons de plus en plus souvent sur des liens et des documents offerts par des plateformes et des services de réseaux sociauxNote de bas de page 26. » Troisièmement, selon M. Deibert, puisqu’il est rare que les entreprises révèlent publiquement les atteintes à la sécurité, pour des raisons de concurrence et pour préserver leur réputation, on sait peu de choses sur la façon dont les attaques sont menées, ce qui peut en fin de compte nuire aux efforts de cybersécuritéNote de bas de page 27.

c) Les menaces se déplacent vers la sphère mobile

Au cours des trois prochaines années, il y aura plus de téléphones cellulaires utilisés que de personnes sur la TerreNote de bas de page 28. Nos dispositifs mobiles peuvent contenir une mine de renseignements personnels précieux. Les gens se déplacent partout avec leur téléphone mobile et les utilisent pour des raisons des plus variées : communiquer avec leurs amis, accéder à leurs courriels, prendre des photos et faire des vidéos puis les télécharger sur Internet, jouer à des jeux, évaluer les distances, localiser des magasins et des restaurants à proximité, établir un itinéraire vers un lieu précis, accéder à un compte bancaire, naviguer sur le Web, surveiller leur santé et leurs activités physiques, se remémorer un rendez-vous ou consigner des listes de tâches. Les organisations s’efforcent toutes de rejoindre les consommateurs et les clients sur les appareils portables qu’ils utilisent tous les jours mais, parallèlement à la commodité dont bénéficient les consommateurs, se profile la possibilité de nouvelles vulnérabilités ou cybermenaces.

Récemment, l’International Cyber Security Protection Alliance (ICSPA) a publié une étude sur la cybercriminalité où l’on souligne que les communications mobiles et les services infonuagiques constituent aujourd’hui les nouvelles cibles de cybercriminalitéNote de bas de page 29. Selon cette étude, la multiplication exponentielle du nombre de maliciels visant les appareils mobiles représente l’un des principaux enjeux sur lesquels l’industrie devra se pencher. Les maliciels peuvent facilement infecter un dispositif mobile au moyen d’applications malveillantes téléchargées dans les boutiques d’applications des téléphones intelligents et qui apparaissent sécuritaires à première vueNote de bas de page 30. Qui plus est, l’accès gratuit au Wi-Fi dans des lieux publics peut également augmenter les risques d’interception des données par un tiersNote de bas de page 31. Les maliciels peuvent cibler des dispositifs mobiles lors de leur utilisation du protocole NFC (communications en champ proche) et compromettre la fonction de paiement sans contactNote de bas de page 32. L’étude de l’ICSPA conclut que les logiciels malveillants visant les appareils mobiles représentent une importante menace émergente dans le cyberespace. Néanmoins, et bien que les cybercriminels mettent au point des maliciels plus efficaces pour cibler les appareils mobiles, les taux réels d’infection de ces appareils sont faibles à l’heure actuelle car la distribution des maliciels aux dispositifs mobiles n’est pas encore perfectionnésNote de bas de page 33. On peut s’attendre à ce que cette situation change sous peu.

Comme les cybermenaces ciblent de plus en plus souvent les dispositifs mobiles, la protection des données n’en devient que plus essentielle. Les communications et les transactions au moyen des dispositifs mobiles sont davantage reliées aux utilisateurs eux-mêmes; les capteurs intégrés peuvent être activés afin de localiser les appareils avec une extrême précision, et les fonctions incorporés aux appareils ou les applications téléchargées peuvent suivre à la trace, consigner et stocker des renseignements personnels ainsi que télécharger les listes de contacts, les messages et les transactions effectuées. Confrontés à cette escalade de risques, l’industrie des dispositifs mobiles, les entreprises et les concepteurs d’applications ont une responsabilité accrue d’assurer la sécurité des plateformes et des systèmes dorsaux où tant de renseignements personnels sont recueillis, manipulés et stockés.

d) Le paradoxe des « mégadonnées » : s’agit-il d’un risque accru ou d’une solution?

On peut définir les « mégadonnées » comme de vastes dépôts de renseignements rassemblés à la fois à partir de sources traditionnelles et, de plus en plus, de nouveaux points de cueillette (p. ex. les données sur le Web, les données de capteur, les données documentaires et les données sur le temps et les lieux recueillies dans les médias sociaux)Note de bas de page 34. Il arrive souvent qu’on vante le savoir dérivé de l’analyse des mégadonnées comme la solution à tous les problèmesNote de bas de page 35. Toutefois, dans une optique de cybersécurité, cette approche axée sur les données soulève deux questions distinctes : comment protéger les renseignements dans le contexte de mégadonnées et comment utiliser la nouvelle analytique des données pour faire le tri dans les renseignements du réseau, y compris les renseignements personnels, afin de prédire les incidents ayant trait à la sécuritéNote de bas de page 36.

Autant les données (qu’il s’agisse ou non de mégadonnées) sont considérées comme un actif commercial précieux, autant elles sont probablement tout aussi précieuses pour les pirates informatiques. Les atteintes à la sécurité auront possiblement des conséquences graves sur les fournisseurs de mégadonnées, étant donné qu’il est relativement nouveau pour la plupart des organisations de recourir à ce type de données et qu’on ne comprend pas encore très bien les vulnérabilités et les risques qui s’y rattachent. Les organisations qui décident de recourir à l’analytique des mégadonnées pourraient créer de nouvelles vulnérabilités potentielles en matière de sécurité, ou des occasions de saisir des données malveillantesNote de bas de page 37. De plus, les mégadonnées engendrent des « méga-mégadonnées »; à mesure que la capacité de colliger des données augmente, la tentation d’en recueillir davantage augmente également.

Les partisans de l’analyse des mégadonnées ont affirmé qu’elles pourraient jouer un rôle clé dans la détection des cybermenaces à un stade précoce, grâce à une analyse complexe des modèles et par l’association et l’analyse des sources de données multiplesNote de bas de page 38. De plus, on a vanté le pouvoir des mégadonnées à titre d’outil essentiel de résolution de problème qui permet d’améliorer la sécurité publiqueNote de bas de page 39et les soins de santéNote de bas de page 40  ainsi que d’économiser de l’énergieNote de bas de page 41. Par ailleurs, la complexité inhérente à ces mêmes points de données multiples et leur intégration à l’échelle des plateformes rendront encore plus complexe le processus de protection nécessaire à la sauvegarde des renseignements. Bien entendu, de par le fait que l’analytique des mégadonnées soulève des inquiétudes, car elle sous-entend souvent une collecte sans restriction de données et une analyse complexe pouvant jeter un éclairage très intime sur nombres d’individus. C’est également un processus susceptible de motiver des utilisations secondaires déraisonnables de renseignements personnels. Peter Wood, président et directeur général de First Base Technologies LLP et membre du groupe consultatif sur la sécurité de la section de Londres de l’ISACA, explique que le nœud du problème est le fait que le volume et la vitesse associés aux mégadonnées repoussent les frontières des responsabilités actuelles en matière de sécurité de l’information et comportent de ce fait de nouveaux risques et de nouveaux défisNote de bas de page 42.

e) Pour beaucoup, la préparation aux cas d’atteinte à la vie privée ne constitue toujours pas une priorité

Ces dernières années, de plus en plus d’atteintes à la vie privée ont été signalées, et les conséquences de ces atteintes peuvent parfois être graves pour les personnes touchées. Les gouvernements et le secteur privé partagent bon nombre des risques et des conséquences des incidents sur Internet, mais la plupart du temps, il incombe d’abord au secteur privé d’affronter ces menaces étant donné que les entreprises contrôlent la plupart des infrastructures de télécommunicationsNote de bas de page 43. Plusieurs rapports récents ont indiqué qu’un grand nombre d’entreprises ne sont pas préparées aux cyberattaques, y sont indifférentes, et n’ont pas de plan d’urgence adéquatNote de bas de page 44.

Au cours des dernières années, les entreprises canadiennes ont été confrontés aux problèmes liés à la cybersécuritéNote de bas de page 45. De manière générale, l’étude de l’ICSPA sur l’impact de la cybercriminalité a révélé d’importantes lacunes dans les plans de préparation des entreprises canadiennes pour lutter contre la cybercriminalité, mais suggère que les grandes entreprises seraient toutefois mieux préparées à répondre aux cybermenaces en constante évolutionNote de bas de page 46. Les maliciels, les attaques virales, le sabotage de données ou de réseaux, la fraude financière, l’hameçonnage, l’ingénierie sociale, le vol d’ordinateurs ou de dispositifs portables, l’accès non autorisé à un site Web ou son utilisation abusive, l’usage à des fins mal intentionnées de réseaux sociaux par les employés, le déni de service, la fraude liée aux télécommunications, ainsi que les menaces persistantes avancées constituent les principales cybermenaces (selon les réponses recueillies auprès des entreprises ayant répondu au sondage)Note de bas de page 47. Selon l’étude, la plupart des entreprises canadiennes ayant participé à l’enquête (69 %) n’avaient pas mis en place de procédures de réponse en cas de cyberattaque, et seulement 22 % ont indiqué avoir recours à un processus d’évaluation des risques pour déterminer leurs points faiblesNote de bas de page 48. Cette situation est préoccupante, d’autant plus que selon les résultats de l’enquête, les entreprises canadiennes sont fréquemment touchées par la cybercriminalité : 69 % ont indiqué avoir subi une attaque d’un type ou d’un autre dans une période de douze mois.

Alors que les entreprises semblent mal préparées pour répondre aux cybermenaces et aux atteintes à la vie privée, les gens souhaitent savoir s’ils peuvent être touchés par ce type d’attaque et à quel moment. Selon l’enquête auprès des Canadiens menée par le Commissariat en 2013, les répondants ne savaient pas au juste si on les avertirait que des renseignements personnels fournis à une organisation ont été perdus, volés ou révélés de façon non intentionnelle : 59 % étaient d’avis que c’était peu probable; 41 %, que c’était probable. Toutefois, pratiquement tous les Canadiens (97 %) qui ont participé à l’enquête ont déclaré vouloir être informés de la situationNote de bas de page 49, ce qui semble indiquer qu’ils appuieraient des améliorations à la façon dont les organisations gèrent la sécurité de l’information et la réponse en cas d’atteinte à la vie privée. Dans une enquête auprès des entreprises commandée par le Commissariat en 2014, 58 % d’entre elles ont indiqué ne pas disposer de lignes directrices en cas d’atteinte concernant les renseignements personnels de leurs clientsNote de bas de page 50. L’absence de préparation organisationnelle et le peu de priorité accordée aux répercussions potentielles semblent indiquer que la préparation en cas d’atteintes ne constitue pas encore une priorité opérationnelle.

f) Conformité et gestion du risque

Les organisations doivent respecter plusieurs lois et règlements pour mener leurs activités à l’intérieur de juridictions spécifiques ou entre diverses juridictions. Toutefois, quand il s’agit de sécurité, une approche mécanique en matière de conformité ne signifie pas nécessairement que l’organisation est protégée contre les risquesNote de bas de page 51. De fait, en focalisant sur une approche de la conformité basée sur un « cochez les cases », une entreprise peut s’exposer à un risque accru dû à un faux sentiment de sécurité alors qu’une gestion appropriée du risque exige un examen attentif pour déterminer là où il est nécessaire de prendre des mesures de sécurité supplémentairesNote de bas de page 52. Une stratégie de gestion du risque complète naturellement les obligations en matière de conformités. Le défi pour les organisations est de comprendre que la sécurité n’est pas une simple affaire de respect des normes de conformité minimales; elles doivent adopter des mesures efficaces de gestion du risque et de mise en œuvre dynamique de la sécuritéNote de bas de page 53.

2. Les développements stratégiques en matière de cybersécurité

La cybersécurité constitue une question stratégique incroyablement complexe et mouvante. Aucun pays ni aucune organisation ou personne n’est entièrement à l’abri des risques dans l’univers virtuel, et les méthodes pour se protéger de ces menaces peuvent varier considérablement selon les valeurs et les décisions qui sous-tendent les activités de cybersécuritéNote de bas de page 54. En fait, la question de la cybersécurité touche à des enjeux plus vastes liés à la gouvernance d’Internet. Deux points de vue divergents sont observés quant à la réglementation liée à la cybersécurité : l’un favorise une approche harmonisée en matière de gouvernance, laquelle protège l’ouverture, les renseignements personnels et l’interopérabilité à l’échelle des régions – il s’agit de l’approche des « biens communs ouverts » –, tandis que l’autre favorise un contrôle gouvernemental et une réglementation plus stricts – c’est l’approche de la « communauté protégée »Note de bas de page 55.

On a fait valoir que la cybersécurité est bien plus qu’une question technique puisqu’elle touche la sécurité d’un écosystème complet de communicationNote de bas de page 56. À cet égard, bien que la cybersécurité nécessite inévitablement certains développements techniques, elle exigera aussi l'élaboration de normes sociales, la collaboration entre pays et un cadre de réglementation regroupant de multiples intervenants. Lorsque les orientations en matière de cybersécurité seront évaluées, il sera essentiel que l’on reconnaisse dans le cadre des débats les liens que la cybersécurité entretient avec la protection des données, la confiance et la protection de la vie privée. La section qui suit examine les développements stratégiques relatifs à la cybersécurité et ainsi que des considérations relevant de la politique étrangère.

a) Intendance et sécurisationNote de bas de page 57

Alors que les politiques en matière de cybersécurité sont en cours de développement au niveau national, la protection de la vie privée risque d’être subordonnée aux objectifs liés à la sécurité nationale et à la sécurité publique dans le cadre des réponses élaborées pour contrer les cybermenacesNote de bas de page 58. La politique de cybersécurité pourrait donc permettre ce que Deibert décrit comme une [traduction] « sécurisation du cyberespace – la transformation du cyberespace en question de sécurité nationale »Note de bas de page 59. À une époque où la sécurité nationale sert souvent à justifier une intrusion extraordinaire dans la vie privée des individus, il faudra veiller de près à ce que les stratégies et activités de cybersécurité ne conduisent pas à la mise en œuvre de régimes de surveillance visant à un monitorage et une analyse illimités et ininterrompus des renseignements personnelsNote de bas de page 60. Les efforts en matière de cybersécurité ne devraient pas étendre la surveillance au point d’empiéter sur la vie privée des individus, les libertés civiles ou d’autres valeurs démocratiquesNote de bas de page 61. Les gouvernements doivent établir les mécanismes de vérification et de contrôle nécessaires pour respecter les normes de protection de la vie privée auxquelles nous souscrivons en tant que société.

Une approche d’intendance à la cybersécurité peut être considérée comme un contrepoids à ce modèle, où [traduction] « les gouvernements, les ONG, les forces armées, les organismes d’application des lois et les agences du renseignement, les entreprises du secteur privé, les programmeurs, les technologues et les utilisateurs moyens doivent tous jouer un rôle essentiel et interdépendant de gardien du cyberespace »Note de bas de page 62.Ce concept d’intendance de la cybersécurité reconnaît que le cyberespace n’appartient à personne en particulier, mais que tous ont un rôle important à jouer dans l’édification de ses bases et dans les enjeux reliés à son évolutionNote de bas de page 63.

Cette autre approche aborde la cybersécurité comme une responsabilité partagée en raison des interconnexions et de l’interdépendance dans le cyberespace, ainsi que du rôle que toutes les organisations doivent jouer pour s’assurer que leurs actions n’entraînent pas de risque pour la sécurité dans le cyberespace en général ou un non-respect des principes de protection de la vie privéeNote de bas de page 64. L’approche axée sur l’intendance exige également que tous les intervenants impliqués dans le domaine de la cybersécurité soient en mesure de rendre compte: [traduction] « Pour assurer la sécurité du cyberespace, il faut renforcer les balises qu’on impose au pouvoir et non les assouplir, ce qui suppose des mécanismes régulateurs applicables tant aux gouvernements, aux organismes chargés de l’application de la loi, aux agences de renseignement qu’au secteur privéNote de bas de page 65. Et puisque le secteur privé détient de grandes quantités de renseignements personnels, il est logique de s’attendre à ce qu’il assume certaines responsabilités concernant la protection de l’infrastructure du cyberespace ainsi que les renseignements personnels qui y circulent.

Les deux approches, celle d’un contrôle gouvernemental intégré et celle plus large d’intendance, ont des avantages et peuvent même se compléter l’une l’autre.

b) La gouvernance du cyberespace et la sécurité constituent un enjeu international

Étant donné que l’information qui circule dans le cyberespace n’est pas limitée par des frontières nationales, [traduction] « les partenaires d’échange de données et l’endroit où ces données résident dans le cyberespace constituent par définition un enjeu international »Note de bas de page 66. De ce fait, les citoyens de tous les pays sont confrontés aux mêmes risques à l’égard de leur droit à la protection de leurs renseignements personnels. Les questions de cybersécurité et de protection de la vie privée sont des questions internationale qui exigent une réponse internationale.

Le Plan d’action invite le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement à élaborer une politique étrangère du Web pour s’assurer que les activités menées dans le cyberespace soient conformes aux objectifs plus vaste de politique étrangère, de commerce international et de sécuritéNote de bas de page 67. Les groupes internationaux tels que le G8, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) élaborent des principes en appui au droit d’accès au cyberespace, à son ouverture, à la liberté d’expression et au droit à la protection de la vie privée des utilisateurs. Toutefois, ces mêmes principes peuvent être en porte-à-faux avec les objectifs de sécurité nationale ou de sécurité publique, ainsi qu’avec les intentions des fournisseurs qui créent des produits de cybersécurité dotés de capacités intégrées visant à suivre les utilisateurs, surveiller la fréquentation des réseaux et filtrer le contenuNote de bas de page 68.

À mesure que se développent les orientations stratégiques en matière de cybersécurité, les autorités de protection des données personnelles et de la vie privée ont un rôle à jouer afin de s’assurer que les politiques en matière de cybersécurité respectent le droit et les valeurs associées à la vie privée et accordent la priorité nécessaire à la protection des renseignements personnels.

Étant une des autorités de protection des données personnelles, le Commissariat est perçu comme un joueur clé qui contribue à l’élaboration de la gouvernance internationale du cyberespace, et cela grâce à ses efforts afin de s’assurer que les offres de services en ligne des entreprises internationales respectent le droit des Canadiens à la vie privée conformément aux normes canadiennes en la matièreNote de bas de page 69. La coopération internationale dans les secteurs de la cybersécurité et de la protection de la vie privée continuera d’être essentielle pour relever les défis que pose la circulation de données entre pays et entre organisations en ce qui a trait à la sécurité et à la protection des donnéesNote de bas de page 71. En 2013, Peter Hustinx, le contrôleur européen de la protection des données, a reconnu la nécessité d’aborder à un niveau international les questions de cybersécurité par le biais de normes et de mesures de coopération internationalesNote de bas de page 70. Hustinx a aussi déclaré que « [b]ien que des mesures pour assurer la cybersécurité peuvent nécessiter l’analyse de certaines données personnelles, notamment des adresses IP qui peuvent permettre d’identifier des individus spécifiques, la cybersécurité peut jouer un rôle fondamental pour assurer le respect de la vie privée et la protection des données personnelles en ligne, à condition que le traitement de ces données soit proportionné, nécessaire et légitimeNote de bas de page 72 ».

3. Conclusion : Mettre l’accent sur la protection de la vie privée dans les activités de cybersécurité

À mesure que s’accroissent le nombre d’internautes et leur dépendance à Internet, ceux-ci compteront davantage sur la mise en œuvre efficace de mesures de cybersécurité par les organisations et la sensibilité relative à la protection des renseignements personnels de ces dernières. On trouvera ci-dessous certains secteurs clés pour lesquels une protection accrue de la vie privée pourrait contribuer au soutien, au progrès et à l’amélioration des activités de cybersécurité.

a) Intégrer des valeurs relatives à la vie privée dans les orientations stratégiques en matière de cybersécurité

Nous savons que dans une certaine mesure, le contrôle, l’enregistrement, l’exploration ou la surveillance des données créeront des tensions ou des exigences conflictuelles entre le droit à la vie privée et les efforts de cybersécurité. Comme l’a dit en 2011 la commissaire à la protection de la vie privée du Canada par intérim, « [l]a violation de la vie privée dans le but d’assurer la cybersécurité irait à l’encontre de l’objectif de la cybersécuritéNote de bas de page 73. » Bien que les activités de cybersécurité puissent exiger certaines mesures de surveillance pour détecter les anomalies et protéger l’infrastructure virtuelle et l’information, les stratégies et les activités de cybersécurité ne devraient pas constituer un prétexte pour élaborer des régimes de surveillance à grande échelle en vue de permettre un monitorage et une analyse sans aucune entrave des renseignements personnels. Les organismes de réglementation en matière de protection de la vie privée et ses défenseurs ont un rôle à jouer pour s’assurer que les stratégies, les principes, les plans d’action et les activités de mise en œuvre touchant la cybersécurité favorisent la protection de la vie privée à la fois comme principe directeur et comme norme durable.

Dans son Rapport sur les plans et les priorités de 2013-2014, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement s’est engagé à mettre en place une politique étrangère de cybersécurité pour promouvoir les intérêts du Canada liés à Internet par rapport à l’économie, à la sécurité et à la politique étrangèreNote de bas de page 74. Cette priorité découle directement du Plan d’action et s’inscrit dans le plan d’ensemble du gouvernement pour mettre en œuvre la stratégie lancée en 2010. Le Ministère assume des responsabilités en matière de politique étrangère pour ce qui est de coordonner la participation du Canada aux efforts internationaux d’appui aux initiatives de cybersécurité, notamment la Convention sur la cybercriminalité de la Commission européenne, que le Canada a signéeNote de bas de page 75.

Il existe des avantages indéniables au fait d’intégrer dès le départ la cybersécurité dans les programmes et activités plutôt que d’atténuer les risques rétroactivement. En adoptant des mesures préventives pour assurer la sécurité – et en informant les consommateurs des risques potentiels et des mesures qui ont été prises pour en diminuer la portée – on peut favoriser la confiance des internautes.

b) Les approches législatives qui favorisent la préparation en matière de cybersécurité

Le secteur privé assure une responsabilité importante liée à la cybersécurité parce qu’il contrôle une très large part de l’infrastructure et de l’information dans le cyberespace. Le volume et l’éventail des renseignements personnels colligés constituent un bien précieux pour les organisations, mais également pour les malfaiteurs. Dans la course qu’elles se livrent pour innover et élaborer de nouvelles technologies, de nouveaux services et de nouvelles applications, les organisations concurrentes n’en font peut-être pas assez pour évaluer correctement le risque sur le Web. Il arrive trop souvent qu’on traite les renseignements personnels comme des marchandises que l’on contrôle, rassemble, recueille, utilise, divulgue et retient sans se soucier outre mesure des répercussions sur la vie privée. De trop nombreuses organisations prêtent le flanc aux intrusions, soit parce qu’elles n’ont pas la préparation suffisante, soit parce qu’elles sous-évaluent l’impact du piratage, et beaucoup trop souvent, elles acceptent la perte de données comme un coût inhérent à la poursuite des affaires.

Le Plan d’action vise à améliorer les outils législatifs afin de protéger les Canadiens dans le cyberespace. La promesse législative comprend la Loi canadienne anti-pourriel Note de bas de page 76, qui est entrée en vigueur en juillet 2014, et la notification en cas de violation des données, contenue dans le projet de loi S-4, Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, présenté en avril 2014.

Il ne fait aucun doute que le secteur privé est confronté à des défis de taille pour ce qui est de protéger le cyberespace. Le réseau des relations commerciales, la connectivité persistante et l’éventail toujours plus grand de dispositifs et de canaux rendent le cyberespace complexe en soi et difficile à sécuriser. Il n’empêche qu’en tant que gardien de quantités énormes de renseignements personnels, le secteur privé assume une responsabilité et un rôle partagés dans la protection de l’infrastructure du cyberespace et des renseignements personnels qui y circulent.

Il n’existe pas de solution simple aux menaces persistantes, en constante mutation, contre le droit à la vie privée dans le cyberespace. Toutes les solutions législatives doivent être examinées avec soin pour garantir leur équilibre et s’assurer qu’on peut compter sur un processus de responsabilisation par rapport à la protection des renseignements personnels. La mise en œuvre pratique de la cybersécurité suppose que l’on considère les renseignements personnels comme un bien essentiel qu’il faut protéger, qu’on définisse les vulnérabilités qui mettent ces renseignements en danger et qu’on applique des mesures de protection contre les risques circonscrits, sans pour autant nuire aux droits à la vie privée ou à d’autres valeurs telles que l’ouverture et la liberté d’expression. Le fait d’engager le dialogue avec le secteur privé sur des éléments essentiels à la mise en œuvre de la cybersécurité pourrait mettre au jour certains éléments de leur évaluation du risque et de leurs mesures de protection qui doivent toujours être renforcés.

c) Faciliter un vaste dialogue sur la cybersécurité où l’on reconnaît son importance au chapitre de la protection de la vie privée, de la confiance et de la gérance responsable des données

La complexité du cyberespace et le caractère de plus en plus sophistiqué des menaces qui pèsent sur lui exigent que les organisations multiplient les efforts pour protéger la vie privée, notamment en ce qui concerne la cybersécurité. Les mécanismes de sécurité constituent un élément clé de la capacité de protéger les renseignements personnels et la vie privée dans le cyberespace, et les mesures de protection techniques ne constituent qu’un volet du processus global de gestion du risque pour la cybersécurité et la protection des renseignements personnels. Il n’est plus suffisant de simplement respecter les exigences en matière de protection de la vie privée ou les méthodes de protection techniques. La protection des renseignements personnels exige l’application et le respect de tous les principes et règles relatifs à la vie privée pour toute la durée de vie de l’information, par exemple : agir de façon responsable et avec transparence, réduire les données au minimum, assurer l’utilisation et la divulgation appropriées des données, mettre en place des mesures de contrôle d’accès efficaces et respecter des périodes de rétention raisonnables et des méthodes de destruction sans risque.

De plus, en raison de l’interconnectivité et des risques partagés dans le cyberespace, tous les intervenants assument la responsabilité commune de façonner le cyberespace et la cybersécurité dans un esprit de confiance durable. Les efforts de cybersécurité exigeront une collaboration à l’échelle internationale et une approche de gérance garantissant la transparence des processus et des mécanismes régulateurs pour tous les intervenants concernés par les activités de cybersécurité. Les organismes de réglementation en matière de protection de la vie privée ont un rôle à jouer dans ce dialogue à grande échelle sur la gérance internationale, pour s’assurer que les efforts liés à la cybersécurité se fondent sur une approche de gestion du risque équilibrée et proportionnelle qui protège efficacement les renseignements personnels et respecte le droit à la vie privée.


Bibliographie

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