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Examen de la Loi sur l’accès à l’information (LAI)

Mémoire du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada au président du Conseil du Trésor


PAR COURRIEL

Le 17 février 2021

L’honorable Jean-Yves Duclos, C.P., député
Président du Conseil du Trésor
90, rue Elgin
Ottawa (Ontario) K1A 0R5
President@sct-tbs.gc.ca

Monsieur le Ministre,

Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à contribuer dès les premières étapes à l’examen de la Loi sur l’accès à l’information (LAI). Nous appuyons fortement l’objectif du gouvernement de favoriser une plus grande ouverture et une plus grande transparence, et nous sommes heureux de participer aux débats sur la meilleure façon d’atteindre cet objectif important dans l’intérêt des Canadiens.

Il ne fait aucun doute que la technologie et les données ont apporté des avantages à la société. Une société axée sur les données a grandement besoin de données ouvertes, d’analyse de données, ainsi que de l’intelligence artificielle pour réaliser ses objectifs politiques importants et enrichir notre société. Les politiques de données ouvertes et de gouvernement ouvert contribuent de façon importante à la responsabilisation du gouvernement et à l’élaboration de programmes et de politiques publiques, à la prestation de services et à la recherche et la découverte scientifique.

La pandémie a manifestement mis en évidence l’importance des données et des technologies ouvertes pour faire face à une crise de santé publique et à ses nombreuses conséquences sociales et économiques. Le portail de données ouvertes du gouvernement fédéral sur la COVID-19 héberge un grand nombre d’ensembles de données, de statistiques et d’autres données du secteur public qui sont partagées pour soutenir la réponse à la crise et la relanceNote de bas de page 1.

Statistique Canada a également publié de précieuses données désagrégées pour différents groupes démographiques, en mettant l’accent sur la COVID-19Note de bas de page 2. Cela démontre que le gouvernement ouvert peut servir l’intérêt public, et qu’il est possible d’avoir un gouvernement ouvert tout en respectant le droit à la vie privée.

La LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels jouent toutes deux un rôle central dans la préservation de notre droit à l’information alors que notre société devient de plus en plus numérique. Ces deux lois sont essentielles pour favoriser un gouvernement plus ouvert et plus transparent, et défendre les principes de la démocratie. Le régime d’accès à l’information du Canada garantit que le gouvernement donne aux Canadiens des renseignements transparents, accessibles et fiables en cette ère numérique. Lorsque des renseignements personnels sont en cause, les lois canadiennes sur la protection de la vie privée limitent les circonstances dans lesquelles ces renseignements peuvent être divulgués ou communiqués.

Nous avons besoin de lois modernes, tant pour l’accès à l’information que pour la protection de la vie privée, pour pouvoir tirer profit des données tout en préservant nos valeurs démocratiques et la protection de nos droits dans un environnement numérique. Nous soutenons l’objectif du gouvernement de moderniser les lois fédérales sur l’accès à l’information pour favoriser une plus grande ouverture et une plus grande transparence, mais nous soulignons également qu’il est important que le droit à la protection des renseignements personnels ne soit pas affaibli davantage par cette réforme. À cet égard, il faut se réjouir que le gouvernement poursuive concurremment ses travaux sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le prochain examen de la LAI est une bonne occasion d’échanger sur la manière de promouvoir l’ouverture et la transparence du gouvernement tout en examinant attentivement les questions où se recoupent la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces deux lois comportent des dispositions similaires. Certains concepts et interprétations s’appliquent aussi aux deux lois, notamment la définition des expressions « renseignements personnels » et « accessibles au public », ainsi que les exceptions d’intérêt public. Nous soulignons que le ministère de la Justice a fait savoir qu’il tiendra compte des commentaires reçus lors de l’examen de la LAI lorsqu’il entreprendra son examen de ces aspects de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous espérons que les examens en cours de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels seront l’occasion pour les deux ministres d’aborder l’interaction entre ces deux lois en procédant à des modifications simultanées, y compris sur les exceptions et les autres dispositions communes.

Nous présentons ci-dessous les principaux points à aborder dans cet examen plus approfondi de la LAI. Premièrement, nous soulèverons certaines considérations relatives à la protection de la vie privée en ce qui concerne les données ouvertes et les priorités relatives au gouvernement ouvert. Deuxièmement, nous soulignerons l'importance de redonner un poids approprié à la vie privée dans le code des droits en matière d’information. Troisièmement, nous commenterons les complexités inhérentes à l’ère numérique par rapport à des concepts clés qui s’appliquent tant au droit en matière d’accès à l’information qu’au droit en matière de vie privée. Quatrièmement, nous aborderons les facteurs dont il faut tenir compte dans l’examen des exceptions et du champ d’application de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Enfin, nous traiterons des défis plus directement liés aux dispositions d’exception applicables aux activités opérationnelles du Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP).

1) Les Canadiens méritent à la fois la protection de leur vie privée et un gouvernement ouvert

Le gouvernement fédéral envisage plusieurs moyens d’accroître la numérisation et l’ouverture du gouvernement. Il s’agit notamment d’initiatives qui favorisent la prise de décisions fondées sur les données, un plus grand partage des données et leur plus grande accessibilité. Le gouvernement se tourne de plus en plus vers l’analyse de données, l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine pour fournir des services gouvernementaux, réaliser des gains d’efficacité et cerner et résoudre des problèmes. Le gouvernement est également une source importante de données, et il y a une demande croissante d’accès aux données générées par la prestation de services gouvernementaux, à la fois de l’intérieur et de l’extérieur du gouvernement.

Alors que nous cherchons à comprendre les avantages d’une société axée sur les données, il est important de garder à l’esprit qu’une grande partie des données produites par les technologies modernes concernent de vraies personnes. Comme la professeure Shoshana Zuboff l’a souligné, lorsque nous utilisons des termes comme « données », il est facile de perdre de vue que certaines des données les plus précieuses concernent des personnes et notre expérience individuelleNote de bas de page 3. Les données comportementales sont extrêmement sensibles parce qu’elles concernent notre expérience, notre santé, nos habitudes et préférences, nos mouvements et nos relations, qui sont tous profondément personnels et intimement liés à notre identité en tant que personne. C’est dans ce contexte que le gouvernement doit être conscient qu’en multipliant les efforts pour rendre les données plus disponibles, il lui incombe aussi de protéger la vaste quantité de renseignements personnels en sa possession.

Beaucoup de bonnes choses peuvent découler de données ouvertes et d’initiatives d’un gouvernement ouvert sans que des renseignements personnels soient divulgués. Les avantages que l’on peut tirer des données ne doivent pas être obtenus en ignorant la vie privée ou en la reléguant à un rôle secondaire, celui d’une bonne pratique qui peut trop facilement être mise de côté pour atteindre d’autres objectifs.

La protection de la vie privée et la politique de transparence du gouvernement peuvent être réalisées ensemble. En fait, pour mener à bien les initiatives liées à un gouvernement numérique et ouvert, il faut que la population ait confiance que le gouvernement n’empiétera pas indûment sur la vie privée ou qu’il ne divulguera pas de renseignements personnels par inadvertance. Tel que la Cour suprême l’a reconnu, en cas de conflit entre le droit d’accès à l’information et le droit à la vie privée, c’est le droit à la vie privée qui doit prévaloir. La Loi sur la protection des renseignements personnels, avec ses exceptions limitées, doit guider les décisions quant à savoir si des renseignements personnels peuvent être divulgués en vertu des lois sur l’accès à l’information dans certaines circonstances.

Dans certains cas, si elle est bien faite, la désidentification peut être une technique efficace pour renforcer la confidentialité, offrant la souplesse nécessaire pour protéger la vie privée tout en permettant une innovation responsable ou la prestation de services numériques. Cependant, la divulgation d’ensembles de données peut comporter des risques notables, même si les renseignements qu’ils contiennent sont désidentifiés. La technologie a atteint un niveau de sophistication tel qu’il est maintenant plus facile de prendre des renseignements qui n’identifient pas nommément une personne, de les analyser et de les combiner avec d’autres sources d’information pour permettre la réidentification des données. C’est pourquoi il est essentiel que les renseignements désidentifiés ne tombent pas entièrement hors du champ d’application des lois sur la protection de la vie privée, en raison du risque qui subsiste à cet égard. Il n’existe pas de solutions faciles à ces problèmes, mais ceux-ci seront sans aucun doute au cœur de l’examen des lois canadiennes sur la protection de la vie privée et l’accès à l’information.

Assurer un meilleur accès aux données et un gouvernement ouvert est certes un objectif louable, mais il n’est pas à l’abri de défis opérationnels. Les divulgations proactives dans le cadre de la LAI devraient viser à alléger le fardeau du traitement des demandes d’accès à l’information. Cependant, la pression et les exigences accrues visant à divulguer les renseignements de manière proactive et à rendre les données plus accessibles s’accompagnent également de pressions considérables sur les ressources. Cela mérite d’être souligné. Lorsque la Loi sur la protection des renseignements personnels entre en jeu, nous encourageons généralement les personnes à recourir à des mécanismes informels pour accéder à leurs renseignements personnels détenus par le gouvernement, en particulier lorsque ces mécanismes leur donnent accès à leurs renseignements d’une manière pratique et efficace. Dans cette optique, le prochain examen de la LAI pourrait aussi être l’occasion de déterminer comment cette loi pourrait favoriser des divulgations proactives ou informelles, le cas échéant, tout en respectant des paramètres clairement définis et en s’assurant qu’il n’y a aucun risque de divulguer des renseignements personnels. Il pourrait être utile d’examiner comment la divulgation proactive pourrait s’accompagner d’un allégement correspondant de la charge de travail reliée aux demandes d’accès officielles visant les mêmes renseignements.

Recommandations :

  • Il est possible de bénéficier de données ouvertes et d’un gouvernement ouvert tout en respectant la vie privée et en protégeant les renseignements personnels. Lorsque des renseignements personnels entrent en jeu dans la mise en œuvre du gouvernement ouvert, le droit en matière de protection de la vie privée doit s’appliquer. En cas de conflit, il faut partir du principe reconnu que le droit à la vie privée l’emporte sur l’accès à l’information.
  • Les règles et les critères régissant l’utilisation ou la divulgation de renseignements désidentifiés devraient être abordés dans l’examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, des paramètres clairs régissant leur utilisation dans le cadre de la publication proactive devraient être définis dans la loi.
  • Le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) pourrait également examiner comment promouvoir le recours à la divulgation proactive en fonction de ces paramètres, tout en allégeant la charge liée aux demandes d’accès officielles visant les mêmes renseignements.

2) Redonner à la protection de la vie privée l’importance qui lui revient

La Loi sur l’accès à l’information (LAI) et la Loi sur la protection des renseignements personnels ont longtemps été considérées comme un « code homogène » de droits en matière d’information, dont l’objectif est d’établir un juste équilibre entre la protection de la vie privée et l’accès à l’informationNote de bas de page 4. Depuis l’édiction de ces deux lois le 1er juillet 1983, les droits qu’elles protègent sont considérés comme de la plus haute importance dans le fonctionnement d’un État démocratique moderne. De par leur origine, et compte tenu des interprétations que la Cour fédérale leur a données au fil des ans, les deux lois vont de pair. Elles permettent aux valeurs qui les sous-tendent, soit l’accès à l’information et la protection de la vie privée, de coexister et de mener à des règles et des critères pour régir l’interaction entre ces deux lois.

La LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels sont quasi constitutionnelles. Le droit régissant l’accès à l’information favorise la responsabilisation du gouvernement à l’égard des décisions qui sont prises et sert à donner accès aux nombreux renseignements sur notre société qui sont détenus par le gouvernementNote de bas de page 5. La Loi sur la protection des renseignements personnels donne également aux citoyens le droit d’accéder aux renseignements les concernant qui sont en la possession des institutions gouvernementales, mais elle impose aussi des limites à la capacité du gouvernement à recueillir, utiliser et communiquer leurs renseignements personnels.

La protection de la vie privée est reconnue internationalement comme un droit de la personne et, au Canada, la Charte canadienne des droits et libertés protège la vie privée par l’application du « droit à la liberté » garanti par l’article 7 et par l’interdiction des perquisitions et saisies abusives prévue à l’article 8Note de bas de page 6. Dans son essence, la protection de la vie privée est une valeur chère aux Canadiens, qui est profondément enracinée dans une tradition de droits de la personne, une condition nécessaire à l’exercice d’autres droits fondamentaux, dont la liberté, l’égalité et la démocratie.

Même si le droit à la vie privée et le droit d’accès aux renseignements détenus par le gouvernement sont étroitement liés, le législateur et les tribunaux ont clairement indiqué que le droit d’accès à l’information doit céder le pas à d’autres intérêts dans certaines circonstances, la protection de la vie privée et des renseignements personnels étant l’une des exceptions les plus importantes au droit d’accèsNote de bas de page 7. La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit : « Bien qu’il constitue un principe important de notre système démocratique, le droit d’accès aux renseignements de l’administration fédérale ne saurait être interprété séparément du droit individuel à la vie privéeNote de bas de page 8 ». Bien que le droit à la vie privée et le droit d’accès aux renseignements doivent tous deux être protégés, « [e]n établissant, dans la LAI même, une exception impérative applicable aux renseignements personnels, le législateur a veillé à ce que les deux lois reconnaissent que la protection de la vie privée des particuliers l’emporte sur le droit d’accès à l’information, sauf dans la mesure prévue par la loiNote de bas de page 9 ». L’objectif combiné des deux lois est de protéger à la fois le droit à la vie privée et le droit d’accès à l’information et de trouver un juste équilibre entre les deux. Compte tenu de cette relation, si l’on modifie l’une des lois, on doit nécessairement tenir compte de l’autre.

Le projet de loi C-58 visait à apporter des améliorations importantes à l’ouverture et à la transparence du gouvernement. Or, il est possible qu’il ait rompu l’équilibre entre les lois en matière de vie privée et d’accès à l’information au Canada.

Dans le passé, l’équilibre tenait en partie au fait que les commissaires bénéficiaient de pouvoirs égaux. La commissaire à l’information a comme mandat principal de promouvoir l’accès, mais elle a aussi le pouvoir d’ordonner la divulgation de renseignements personnels. En lui conférant le pouvoir de rendre des ordonnances, y compris en ce qui concerne les renseignements personnels, le projet de loi C-58 a possiblement donné à l’accès à l’information une certaine préséance sur la protection de la vie privée. Cela va à l’encontre de ce que les tribunaux ont décidé et de l’intention qu’avait le législateur lorsque les lois sur la protection des renseignements personnels et l’accès à l’information ont été édictées au Canada.

Étant donné que l’objectif de cet examen est de moderniser les lois canadiennes sur l’accès à l’information en mettant l’accent sur la transparence et l’ouverture du gouvernement, il faudrait également s’efforcer d’adopter une vision plus globale des deux lois et de leurs objectifs politiques sous-jacents. À cet égard, il faut se réjouir que le gouvernement poursuive ses travaux sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous espérons que ce sera l’occasion pour les deux ministres d’aborder l’interaction entre la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels en leur apportant des modifications simultanées.

Recommandations :

  • Le prochain examen de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels devrait tenir compte de la nécessité de rétablir l’intention du code homogène de droits en matière d’information, dont l’objectif est de maintenir un juste équilibre entre la protection de la vie privée et l’accès à l’information. Idéalement, la deuxième série de modifications à la LAI devrait avoir lieu en même temps que les propositions de modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de sorte que l’interaction entre les deux lois soit prise en compte simultanément.
  • Si des modifications simultanées ne sont pas possibles, le gouvernement doit être vigilant pour ne pas laisser de nouvelles modifications à la LAI exercer une pression supplémentaire sur nos lois fédérales déjà désuètes en matière de protection des renseignements personnels.

3) L’examen devrait tenir compte des complexités de l’ère numérique et de son effet sur l’interprétation des concepts se rapportant aux lois sur l’accès à l’information et sur la protection des renseignements personnels

Il existe un grand nombre de recoupements entre la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LAI en ce qui concerne l’interprétation des concepts qui se rapportent aux deux lois. Dans ce contexte, des discussions sur ces concepts, et en particulier sur les concepts de « désidentification », d’« identifiabilité » et d’« accessibilité au public », ainsi que sur la portée de ce qui est considéré comme des « renseignements personnels », pourraient avoir lieu dans le cadre du prochain examen de la LAI. Un autre point important est la conciliation des intérêts concurrents qui entrent en jeu lors de divulgations faites dans l’intérêt public. Étant donné que ces concepts se rapportent aux deux lois, ils devraient être étudiés simultanément dans le cadre de l’examen de la LAI et de l’examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais ils ne devraient pas être modifiés avant que les deux lois soient examinées.

Depuis l’édiction de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les technologies numériques ont évolué rapidement et de manières que nous n’aurions pu prévoir. L’ère des données se définit par les grandes quantités de données qui sont créées, reliées et partagées chaque jour.

Le paragraphe 19(1) de la LAI contient une interdiction générale de la divulgation de « renseignements personnels » au sens de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, sous réserve de trois exceptions limitées permettant la divulgation de renseignements personnels en vertu des alinéas 19(2)a) à c) de la LAI, pour les raisons suivantes :

  1. l’individu qu’ils concernent y consent;
  2. le public y a accès;
  3. la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, notamment en ce qui concerne les divulgations faites dans l’intérêt public.

Toutefois, à l’ère numérique, ces évaluations sont beaucoup plus complexes que lors de l’édiction de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En ce 21e siècle, où une si grande partie de nos activités quotidiennes se déroulent dans la sphère numérique, il n’est pas toujours aisé de déterminer si des renseignements personnels en ligne sont « accessibles au public ». Par exemple, les données publiées sur les médias sociaux font souvent l’objet de débats à cet égard. Les technologies modernes produisent des métadonnées, font des déductions, suivent les tendances de nos activités et habitudes quotidiennes, ce qui peut soulever des questions quant à savoir si un renseignement est, ou n’est pas, un renseignement personnel. Des techniques sophistiquées existent maintenant pour réidentifier des ensembles de données, ce qui nous force à nous demander si les renseignements personnels sont réellement désidentifiés. Aujourd’hui, nous partageons davantage de données sur nous-mêmes et l’évolution des technologies facilite la collecte, l’analyse et la communication de renseignements qui nous concernent. Or, cela ne devrait pas nécessairement signifier que nos attentes raisonnables en matière de protection de la vie privée devraient diminuerNote de bas de page 10. Même dans les cas où des renseignements personnels peuvent être accessibles au public, une personne peut toujours conserver son droit à la vie privée à l’égard de ces renseignements, qui pourrait être compromis par la divulgation de documents détenus par le gouvernement.

Ce sont là des questions difficiles et pluridimensionnelles, et ce sont précisément les questions sur lesquelles l’opinion du Commissariat à l’information du Canada (CIC) et du Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) du Canada pourrait diverger compte tenu de leurs mandats différents.

Identifiabilité

Au vu de la jurisprudence du secteur public fédéralNote de bas de page 11, nous sommes d’avis que la définition de « renseignements personnels » doit recevoir une interprétation large et étendue. La quasi-constitutionnalité de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels exige que les droits soient interprétés de manière large et que les exceptions à ces droits soient étroites et explicites. Nous sommes également d’avis que le critère juridique applicable au concept d’« identifiabilité » devrait être celui établi par la Cour fédérale dans la décision Gordon c. Canada : « Les renseignements seront des renseignements concernant un individu identifiable lorsqu’il y a de fortes possibilités que l’individu puisse être identifié par l’utilisation de ces renseignements, seuls ou en combinaison avec des renseignements d’autres sourcesNote de bas de page 12 ». Selon le CIC, le critère établi dans la décision Gordon c. Canada (Santé) ne s’applique pas dans tous les contextes et scénarios, et il a recommandé une plus grande clarté législativeNote de bas de page 13.

Bien que, selon nous, le critère établi dans la décision Gordon soit pertinent en cette ère numérique, nous sommes ouverts à la possibilité qu’il soit éclairci, à la condition que cet éclaircissement contribue à la décision Gordon d’une manière qui assure une application cohérente pour mieux protéger la vie privée des individus. L’un des principaux changements survenus depuis l’édiction de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels est que les technologies modernes ont grandement facilité l’accès à d’autres renseignements et à la mise en relation d’ensembles de données, rendant potentiellement très révélateurs des renseignements qui peuvent sembler inoffensifs ou non personnels au départ. Il s’agit là d’un aspect qui pourrait bénéficier d’une plus grande clarté législative.

Une évaluation contextuelle de ce qui est identifiable ou, au contraire, de ce qui est suffisamment désidentifié devrait jouer un rôle central dans ces évaluations. Une évaluation contextuelle devrait, par exemple, prendre en considération des éléments tels que la valeur de l’information, la visibilité de l’individu, ainsi que la reconnaissance du risque que des personnes ayant accès à d’autres données ou à de puissantes capacités technologiques soient en mesure de réidentifier l’information.

Accessibles au public

L’expression « auxquels le public a accès » n’est définie dans aucune des deux lois, mais elle sert de fondement à l’exception permettant la divulgation de renseignements personnels en vertu de la LAI. En réponse à l’engagement technique du ministère de la Justice sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le CIC et d’autres institutions ont suggéré que la définition de l’expression « accessibles au public » tienne compte à la fois de l’objectif d’assurer l’accès à l’information, d’une part, et de protéger la vie privée, d’autre partNote de bas de page 14.

Dans son document de travail sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 15 présenté pour une consultation publique en ligne, le ministère de la Justice propose d’établir un cadre à jour en ce qui a trait aux renseignements personnels accessibles au public. Il suggère qu’une loi modernisée pourrait définir les renseignements personnels comme étant « accessibles au public » dans trois cas :

  1. lorsqu’ils ont été manifestement rendus publics par la personne à laquelle ils se rapportent;
  2. lorsqu’ils sont largement et continuellement accessibles à tous les membres du public et que la personne n’a pas d’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée relativement aux renseignements en question;
  3. lorsqu’une autre loi fédérale ou un règlement exige que les renseignements soient accessibles au public.

Dans le document de travail, on suggère aussi d’éliminer l’exclusion actuelle prévue au paragraphe 69(2), de sorte que toutes les règles énoncées dans la Loi s’appliquent aux renseignements personnels accessibles au public. En même temps, on propose d’ajouter des dispositions permettant l’utilisation et la communication de ces renseignements dans des cas précis, ainsi qu’une exception connexe au droit d’une personne d’exiger que la collecte de renseignements personnels s’effectue directement auprès d’elle.

Il est encourageant de constater que le ministère de la Justice propose de définir et de réglementer plus clairement les renseignements personnels « accessibles au public », plutôt que de les exclure des exigences d’utilisation et de divulgation de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Bien que les propositions du ministère de la Justice à cet égard contiennent des éléments communs aux recommandations que nous avons présentées dans notre mémoire lors de l’engagement technique sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 16, nous avons également souligné d’autres facteurs déterminants, comme l’importance du contexte et la prise en compte des capacités de la technologie. Il faudrait également reconnaître que, selon les circonstances, les personnes peuvent toujours avoir un intérêt en matière de protection de la vie privée pour des renseignements qui pourraient autrement être considérés ou perçus comme « accessibles au public ». Nous avons recommandé que la Loi sur la protection des renseignements personnels comprenne une définition de « renseignements personnels accessibles au public » qui tienne compte du contexte, de l’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée, de l’accessibilité des renseignements, y compris avec les nouvelles technologies, et des obligations en matière d’exactitude, d’actualité et d’exhaustivité qui incombent aux organisations effectuant la collecte.

La méthode contextuelle que nous avons proposée est également conforme aux conclusions énoncées dans l’arrêt R. c. Jarvis, où la Cour suprême du Canada a souligné qu’il est important « de tenir compte de la capacité de la technologie pour examiner si les attentes raisonnables de protection en matière de vie privée ont été frustrées par le recours à cette technologie »Note de bas de page 17. Bien que la Cour ait souligné à maintes reprises que l’arrêt Jarvis se limitait aux faits impliquant la surveillance ou l’enregistrement, nous sommes d’avis qu’une méthode contextuelle pour évaluer la présence ou l’absence d’une attente raisonnable en matière de vie privée devrait s’appliquer à l’analyse du concept de « renseignements accessibles au public ».

« Critère de l’atteinte injustifiée à la vie privée » et primauté de l’intérêt public

L’exception prévue à l’alinéa 19(2)c) de la LAI, soit l’exception à l’interdiction générale de divulguer des renseignements personnels lorsque la divulgation est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, est également source de tensions. Ces tensions existent surtout à l’égard des divulgations discrétionnaires qui sont propres aux faits et peuvent nécessiter la recherche d’un équilibre délicat entre des intérêts concurrents, en particulier relativement aux divulgations faites dans l’intérêt public en vertu de l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la jurisprudence canadienne a souligné l’importance de la protection de la vie privée, qui l’emporte sur l’accès à l’information. Dans les arrêts Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 18 et DaggNote de bas de page 19, la Cour suprême du Canada a affirmé que les deux lois sont censées mettre davantage l’accent sur la protection des renseignements personnels que sur le droit d’accès à l’information. Les tribunaux ont souligné qu’en dépit des exceptions à la divulgation prévues au paragraphe 19(2) de la LAI, l’interdiction générale de divulguer des renseignements personnels est étayée par la nature obligatoire du paragraphe 19(1). Dans le même ordre d’idées, nous avons souligné dans nos déclarations sur le projet de loi C-58 que le juste équilibre entre l’accès à l’information et la protection de la vie privée repose sur plusieurs facteurs. Ceux-ci sont notamment la définition du terme « renseignements personnels », le fait que l’exception relative aux renseignements personnels dans la LAI est obligatoire plutôt que discrétionnaire, ainsi que le libellé de l’exception actuelle relative à l’intérêt public, qui exige que pour prévaloir, l’intérêt public dans la divulgation doit « l’emporte[r] manifestement » sur les atteintes à la vie privéeNote de bas de page 20.

Dans le mémoire que le CIC a présenté au ministère de la Justice sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, deux recommandations connexes ont été formulées pour modifier l’article 19 de la LAI et l’exception correspondante visant les renseignements personnels prévus à l’article 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La première concerne l’ajout d’une exception qui donnerait au responsable d’une institution le pouvoir discrétionnaire de divulguer des renseignements si cette divulgation ne constitue pas une « atteinte injustifiée à la vie privée »Note de bas de page 21, en prenant pour modèle l’Ontario et d’autres provinces.

Dans le mémoire que nous avons présenté au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (Comité ETHI) durant son étude de la Loi sur la protection des renseignements personnels en 2016, nous avons fait part de nos préoccupations quant à l’ajout d’un critère de préjudice plus général pour évaluer les cas d’« atteinte injustifiée à la vie privée »Note de bas de page 22. Nous avons souligné que la Loi sur la protection des renseignements personnels autorise déjà la communication de renseignements personnels lorsque, selon le responsable de l’institution, l’intérêt public l’emporte manifestement sur toute atteinte à la vie privée susceptible de découler de la divulgation. Nous sommes d’avis que cette disposition protège le droit à la vie privée des tiers et établit un juste équilibre entre la protection de la vie privée et l’accès à l’informationNote de bas de page 23.

La deuxième recommandation du CIC consistait à ajouter une exception qui accorderait au responsable d’une institution le pouvoir discrétionnaire de divulguer des renseignements personnels concernant une personne décédée à son conjoint ou à un proche parent pour des motifs de compassion, tant que la divulgation ne constitue pas une violation déraisonnable à la vie privée du défunt. Sur cet aspect, nous sommes d’accord qu’il y a un certain intérêt à ajouter expressément des motifs de compassion afin de clarifier les divulgations envisagées par le sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

En outre, bien que la LAI ne contienne pas actuellement de clause de primauté de l’intérêt public général, le CIC a recommandé d’en ajouter une dans la loi, qui serait applicable à toutes les exceptions, avec l’obligation de prendre en compte une liste non exhaustive de facteursNote de bas de page 24. Dans son récent document de travail sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 25, le ministère de la Justice du Canada fait une proposition connexe visant à réorienter l’approche à l’égard des divulgations faites dans l’intérêt public en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la LAI. Le Ministère propose de supprimer la disposition actuelle relative à la communication de renseignements dans l’intérêt public prévue à l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et il indique qu’un motif d’intérêt public justifiant une plus grande utilisation, un plus grand partage et un meilleur accès aux renseignements personnels pourrait mieux s’intégrer dans des dispositions entièrement nouvelles dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LAINote de bas de page 26.

Dans la mesure où ces facteurs peuvent faire partie de l’examen de la LAI, nous soulignons qu’il serait utile de définir plus clairement les situations exceptionnelles où des renseignements personnels pourraient être divulgués dans l’intérêt public. Nous serions disposés à éclaircir davantage les facteurs à prendre en considération pour définir ce qui constitue l’intérêt public, pour autant que les critères précis énoncés dans la Loi ne réduisent pas l’importance duprincipe de base selon lequel, quel que soit l’intérêt public invoqué, il doit manifestement l’emporter sur toute atteinte à la vie privée pour justifier la divulgation. Dans la mesure où ils apportent des précisions à cet égard, les critères pourraient être très utiles aux organisations et offrir des garanties importantes contre la divulgation injustifiée de renseignements personnels qui sont actuellement absentes de la loi.

Consultations entre le CIC et le CPVP

Dans son récent document de travail sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 27, le ministère de la Justice du Canada propose d’harmoniser les pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée en matière d’ordonnances avec ceux du commissaire à l’information. Cette harmonisation serait effectivement essentielle pour atteindre un équilibre entre l’accès à l’information et la protection de la vie privée.

En attendant que l’équilibre des pouvoirs soit rétabli, les amendements au projet de loi C-58 que nous avons proposés, relativement à la consultation du CPVP dans certaines circonstances, constituent un compromis. Nous avons récemment conclu un protocole d’entente avec le CIC et nous espérons qu’il donnera lieu à des consultations sur des concepts essentiels. L’intention était d’établir une liste de circonstances dans lesquelles une consultation entre le CIC et le CPVP devrait avoir lieu pour garantir que le droit à la vie privée est dûment pris en compte. Afin de nous assurer que cette démarche est équilibrée et raisonnable d’un point de vue opérationnel, nous avons convenu de nous concentrer sur une série de questions difficiles pour lesquelles les points de vue peuvent diverger.

Nous avons convenu que les circonstances qui pourraient justifier une consultation entre le CIC et le CPVP visent les questions suivantes :

  1. si des raisons d’intérêt public justifient nettement une éventuelle violation de la vie privée pouvant découler de la communication de renseignements personnels;
  2. si des métadonnées constituent des renseignements personnels;
  3. lorsque « l’effet mosaïque » est invoqué afin de protéger les renseignements au titre de l’article 19 de la Loi;
  4. lorsqu’une institution prétend que des techniques de dépersonnalisation ou d’anonymisation ont été appliquées, de sorte que les renseignements ne seraient plus des renseignements personnels;
  5. si les renseignements personnels qui sont protégés sont accessibles au public.

Dans ce type de circonstances, l’ère numérique présente de nouveaux défis et de nouvelles tensions entre le droit d’accès à l’information et le droit à la vie privée. C’est pourquoi nous pensons qu’il est essentiel que le commissaire à la protection de la vie privée joue un rôle central en donnant des conseils sur l’interprétation du droit à la vie privée, y compris sur la protection qu’il convient d’accorder aux renseignements personnels.

Recommandations :

  • L’interaction entre les concepts se rapportant au droit d’accès à l’information et au droit à la vie privée devrait être examinée avec soin dans le cadre du prochain examen de la LAI et de l’examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, nous recommandons vivement que toute modification proposée aux concepts qui sont des piliers de la Loi sur la protection des renseignements personnels, en particulier ceux qui permettent d’interpréter les notions de protection de la vie privée ou de protection des renseignements personnels, soit traitée dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
  • Lors de la rédaction de toute nouvelle loi, il faudrait aussi accorder une attention particulière aux tensions créées par l’ère numérique sur l’interprétation des concepts se rapportant au droit en matière d’accès à l’information et au droit en matière de protection de la vie privée. Dans cette optique, nous faisons les recommandons suivantes :
    • Le terme « renseignements personnels » devrait recevoir une interprétation large et étendue, et le concept d’« identifiabilité » devrait être tel que l’a défini la Cour fédérale dans la décision Gordon c. Canada et appliqué de manière contextuelle. Bien que, selon nous, le critère établi dans la décision Gordon soit pertinent en cette ère numérique, nous sommes ouverts à la possibilité qu’il soit éclairci davantage, à condition que cet éclaircissement contribue à la décision Gordon d’une manière qui assure une application cohérente pour mieux protéger la vie privée des individus.
    • L’interprétation de ce qui est « accessible au public » en ce qui concerne les renseignements personnels devrait être un exercice d’évaluation contextuelle, en tenant dûment compte de l’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée et de l’accessibilité des renseignements, y compris avec les nouvelles technologies.
    • Toute modification visant à inclure de nouveaux critères d’évaluation régissant la communication de renseignements personnels dans l’intérêt public devrait être proposée dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels et devrait respecter le principe fondamental selon lequel l’intérêt public doit manifestement l’emporter sur toute atteinte à la vie privée qui pourrait résulter de la divulgation.
  • Dans le cadre du prochain examen de la LAI, il faudrait tenir compte des incidences de toute modification proposée à l’interprétation ou à l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de toute modification consécutive qui pourrait être nécessaire.

4) Exceptions et champ d’application de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels

L’examen à venir de la LAI et l’examen en cours de la Loi sur la protection des renseignements personnels offrent une bonne occasion d’examiner les questions qui se recoupent dans ces deux lois, notamment les dispositions correspondantes d’exception et d’exclusion, ainsi que le champ d’application des deux lois. Nous soulignons qu’en ce qui concerne les exceptions et les exclusions, le ministère de la Justice a signalé que ces aspects de la Loi sur la protection des renseignements personnels bénéficieront des commentaires reçus durant l’examen de la LAI par le gouvernement et seront examinés plus en détail ultérieurement. Nous serons certainement disposés à participer à de nouvelles discussions sur toute proposition concrète visant à modifier les dispositions relatives aux exceptions et aux exclusions qui ont des dispositions correspondantes dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, ou sur l’exception visant les renseignements personnels prévue à l’article 19 de la LAI. Nous recommandons vivement que les dispositions correspondantes de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels soient modifiées simultanément, y compris les exceptions et les interprétations communes, ce qui est fondamental au principe selon lequel les deux lois forment un code homogène de droits en matière d’information.

De plus, pour soutenir l’objectif d’une plus grande ouverture et d’une plus grande transparence, le gouvernement devrait envisager d’étendre le champ d’application de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels à d’autres organismes, dont les cabinets des ministres et le cabinet du premier ministre, élargissant ainsi le droit d’accès à l’information des Canadiens, y compris à leurs renseignements personnels, quel que soit l’organisme du gouvernement qui les détientNote de bas de page 28.

Un cas que nous avons récemment rapporté dans notre Rapport annuel 2019-2020 démontre l’importance de la question. Une plainte a été déposée par un député concernant une violation présumée de la vie privée relative à une recommandation de nomination d’un candidat à la Cour suprême du Canada. Le plaignant a précisément demandé que nous enquêtions sur les rôles du Bureau du Conseil privé (BCP), du ministère de la Justice, du Commissariat à la magistrature fédérale (CMF) et du cabinet du premier ministre du Canada (CPM). Cependant, notre compétence ne s’étend pas aux pratiques de traitement de l’information du CMF ou du CPM. Nous avons donc concentré notre enquête sur le BCP et le ministère de la Justice.

Bien que nous n’ayons pas constaté d’infraction à la Loi par les institutions gouvernementales qui relèvent de notre compétence, il est clair que la vie privée d’un candidat a été compromise par la divulgation de ses renseignements personnels relatifs au processus de candidature et de nomination à la Cour suprême.

À notre avis, cette affaire met en évidence des lacunes importantes dans le champ d’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et, par extension, de la LAI.

Recommandations :

  • Les exceptions et exclusions correspondantes dans la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels devraient être modifiées simultanément.
  • Le SCT devrait solliciter des commentaires lors de sa consultation publique sur la question de l’élargissement du champ d’application de la LAI et, par nécessité, de celui de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui aurait pour effet d’étendre le droit d’accès à l’information des Canadiens, y compris à leurs renseignements personnels, quel que soit l’organisme du gouvernement qui les détient.
  • Nous recommandons que la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels soient modifiées pour en élargir le champ d’application à toutes les institutions fédérales, y compris les cabinets des ministres et le cabinet du premier ministre.

5) Activités de conformité du CPVP en lien avec la LAI

En tant qu’institution assujettie à la LAI, nous avons des recommandations à formuler sur la base de notre expérience des demandes de renseignements liées à nos activités de conformité.

Ces dernières années, les nouvelles exigences en matière de signalement des atteintes, le pouvoir de conclure des accords de conformité en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), ainsi que la complexité et le nombre croissant des plaintes ont tous contribué à l’augmentation des activités de conformité qui se déroulent en dehors du contexte des enquêtes officielles. Par exemple, selon les nouvelles exigences relatives au signalement obligatoire des atteintes, nous avons souvent des échanges approfondis avec des organisations des secteurs public et privé après la réception d’un rapport d’atteinte, où nous cherchons à résoudre les problèmes sur une base volontaire sans avoir à recourir à une enquête officielle. De plus, certaines de nos enquêtes aboutissent à des accords de conformité détaillés ou à l’engagement des organisations de corriger leurs pratiques, ce qui nécessite un suivi continu après l’enquête. Ces types d’activités ont fait en sorte que certains renseignements obtenus dans le cadre de nos activités de conformité ne sont pas visés expressément par l’article 16.1 ou le paragraphe 24(1) de la LAI, qui soustraient respectivement à la communication les renseignements obtenus « dans le cadre de toute enquête ou vérification » ou les renseignements « contenus dans » les rapports ou dossiers sur les atteintes à la LPRPDE. L’expression « dans le cadre de toute enquête » est l’élément précis de l’exception prévue à l’article 16.1 qui pose problème, puisqu’elle ne reflète plus exactement l’étendue de toutes nos activités de conformité.

Les activités de conformité du CPVP reposent en grande partie sur l’échange ouvert de renseignements souvent très sensibles entre les organisations des secteurs public et privé. Sous réserve de certaines exceptions, le CPVP est généralement tenu de maintenir la confidentialité des renseignements dont il a connaissance dans le cadre de ses fonctions en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la LPRPDE. Cela permet d’instaurer la confiance, de favoriser la collaboration et d’encourager un dialogue ouvert avec les institutions et les organisations avec lesquelles nous traitons dans le cadre de notre mandat.

Toutefois, nos exigences en matière de confidentialité ne s’étendent pas toujours aux renseignements visés par la LAI. Le défi que nous avons rencontré est que les organisations sont de plus en plus réticentes à communiquer avec le CPVP parce qu’elles craignent que certains renseignements soient divulgués en vertu de la LAI. Cette réticence a une incidence directe sur notre capacité à atteindre un niveau élevé de conformité par des moyens informels. Ces échanges informels sont d’une importance capitale pour nous permettre, d’une part, d’accomplir notre mandat de manière efficace sans devoir toujours recourir à une enquête officielle et, d’autre part, de veiller à ce que les organisations mettent en œuvre des mesures pertinentes pour protéger les renseignements personnels des Canadiens. Lorsque les organisations sont réticentes à fournir des renseignements parce qu’elles craignent que certains soient divulgués en vertu de la LAI, cela diminue l’utilité de ces échanges et les avantages d’une surveillance efficace pour les Canadiens.

À notre avis, compte tenu de l’intention sous-jacente des exceptions actuelles qui s’appliquent aux activités du CPVP, il serait raisonnable de les étendre à d’autres activités de conformité qui ne sont pas nécessairement limitées à une enquête. Bien que les renseignements liés à ces activités puissent faire l’objet d’autres exceptions dans la LAI, la mise à jour des exceptions applicables au CPVP, afin qu’elles englobent expressément un plus large éventail de ses activités liées à la conformité, apporterait des éclaircissements aux organisations qui fournissent des renseignements au CPVP et permettrait à ce dernier de remplir son mandat plus efficacement.

Recommandation :

  • Dans le cadre du prochain examen de la LAI, nous recommandons d’examiner la formulation des exceptions applicables aux activités opérationnelles du CPVP afin qu’elles soient plus claires et reflètent mieux la réalité et l’étendue de ses activités de conformité. Nous serions heureux de fournir des précisions sur cette question et de nous engager plus avant dans toute modification précise qui pourrait être pertinente.

Conclusion

En conclusion, il est important de souligner que nous devrions être en mesure d’avoir un meilleur accès aux renseignements détenus par le gouvernement sans porter atteinte aux droits à la vie privée des Canadiens. Un gouvernement ouvert et une plus grande transparence demeurent des éléments essentiels de la réforme du gouvernement, et les Canadiens méritent certainement à la fois un gouvernement ouvert et le respect de leur droit à la vie privée. Je constate que cet examen n’en est qu’à ses débuts; par conséquent, je suis disposé à poursuivre la discussion sur les éléments ci-haut ou sur tout autre élément lié à la protection de la vie privée, à mesure que vous progresserez dans votre examen de la LAI. Je vous suis reconnaissant de m’avoir donné l’occasion d’apporter ma contribution à cet important exercice.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Le commissaire,

(Document original signé par)

Daniel Therrien

c. c. Madame Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada

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