Sélection de la langue

Recherche

Communication de renseignements médicaux dans le cadre d’un procès militaire conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels

Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)

Le 15 janvier 2020

Description

Un ancien militaire a déposé une plainte contre le ministère de la Défense nationale (MDN) dans laquelle il allègue avoir été obligé, à tort, de communiquer publiquement des renseignements médicaux le concernant dans le cadre de sa défense lors d’un procès sommaire pour une accusation portée contre lui. Puisque la communication faisait partie d’un témoignage dans le cadre du procès en vertu de la Loi sur la défense nationale, conformément au principe de la transparence judiciaire, et que la confidentialité n’a pas été demandée, celle-ci est permise en vertu de la Loi. À la lumière de ce qui précède, nous estimons que cette plainte n’est pas fondée.

Points à retenir

  • La Loi sur la protection des renseignements personnels s’applique à la communication dans cette cause parce que les procès sommaires sont menés en vertu de la Loi sur la défense nationale par des membres des Forces armées canadiennes, lesquelles sont assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
  • En vertu des lois du Canada, un des principes sous-jacents du système de justice militaire est que, à l’instar du système de justice civile, les procès sommaires sont par défaut publics, conformément au principe de la transparence judiciaire. Les renseignements personnels ont été fournis à l’officier présidant le procès sommaire dans le cadre de ce procès, c’est-à-dire pour établir si une violation du Code de discipline militaire a eu lieu, et ceux-ci ont été communiqués conformément à la Loi sur la défense nationale.Ils peuvent donc être communiqués en vertu des alinéas 8(2)a) et 8(2)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels
  • La question la plus importante dans ce cas était de déterminer si le MDN a exigé que l’ individu communique ses renseignements personnels dans le cadre d’un procès sommaire en infraction à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cependant, nous constatons qu’une fois les renseignements communiqués dans une audience publique, ils deviennent disponibles au sens de l’article 69 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les restrictions sur leur utilisation et communication futures en vertu des articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’appliquent plus.
  • Dans cette cause, l’individu n’a pas demandé à l’officier présidant le procès que ses renseignements personnels de nature médicale demeurent confidentiels en vertu des règles de la cour. Nous encourageons les institutions gouvernementales à envisager des mesures pour s’assurer que les participants à une audience publique sont informés à l’avance a) que les renseignements qu’ils communiquent seront considérés comme accessibles au public, et b) de tout processus à suivre pour protéger leurs renseignements personnels afin qu’ils ne puissent être communiqués.

Rapport de conclusions

Résumé de l’enquête

  1. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a reçu une plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi) contre le ministère de la Défense nationale (MDN) concernant la communication des renseignements personnels du plaignant au cours d’un procès militaire.
  2. Le plaignant a allégué qu’il a été obligé de communiquer publiquement des renseignements médicaux personnels privés dans le cadre de sa défense lors d’un procès sommaire pour une accusation portée contre lui. Le plaignant a allégué que, puisque sa demande d’être jugé en cour martiale a été rejetée, il a été contraint de communiquer à tort des renseignements médicaux lors du procès sommaire, ce qui, selon lui, constitue une atteinte à la vie privée.
  3. Le MDN a fait valoir que les procédures suivies lors de procès sommaires sont soumises au principe de la « publicité des débats judiciaires », selon lequel, en général, ces procédures et les documents au dossier de la cour doivent être transparents et accessibles au public, sauf si la cour en ordonne autrement.
  4. Le MDN a affirmé que les individus ont le droit d’assister aux procès sommaires, sauf si une demande de confidentialité a été déposée et qu’elle a été accordée par l’officier présidant le procès sommaire. Comme le plaignant n’a pas déposé de demande de confidentialité, le MDN fait valoir que l’officier présidant le procès sommaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en obligeant le plaignant à communiquer publiquement des renseignements personnels. Selon le MDN, il n’y a pas eu d’atteinte à la vie privée.
  5. Après examen de la preuve présentée, nous avons conclu que la plainte n’est pas fondée. Les raisons qui sous-tendent cette conclusion sont énoncées ci-dessous.

Contexte

  1. La Loi sur la défense nationale (LDN) crée un système de justice militaire distinct et unique comprenant une structure de tribunal à deux niveaux appelés « procès sommaire » et « cour martiale », conformément aux sections 5 et 6, respectivement, de la partie III de la LDN. Un militaire accusé d’une infraction qui serait normalement jugée dans le cadre d’un procès sommaire peut être jugé par une cour martiale dans certaines circonstances. Le système de justice militaire a plusieurs principes sous-jacents communs avec le système de justice civile.
  2. Comme le prévoient les articles 163 et 164 de la LDN, les procès sommaires sont sous l’autorité d’un officier ou présidés par un officier. L’officier présidant le procès sommaire peut recevoir tout élément de preuve qu’il estime utile et pertinent pour établir si l’accusé a commis ou non l’une des infractions qui lui sont reprochées et, le cas échéant, pour prononcer une peine appropriée.
  3. Les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) ont été promulgués en vertu de l’autorité conférée par l’article 12 de la LDN et ont force de loi.
  4. L’article 108.28 des ORFC stipule que les procès sommaires doivent, à de très rares exceptions près, être publics et que les membres du public doivent être autorisés à assister au procès. Cet article donne également à l’officier présidant un procès sommaire le pouvoir discrétionnaire d’ordonner que le public soit exclu pendant tout le procès ou toute partie du procès s’il le juge approprié dans certaines circonstances.
  5. Aux termes de l’article 108.45 des ORFC, un accusé reconnu coupable lors d’un procès sommaire peut déposer une demande de révision du verdict et de la peine.

Questions et faits pertinents

La plainte

  1. Le plaignant, un ancien membre des Forces armées canadiennes, a déclaré qu’il souffre d’un problème de santé qui a entraîné un absentéisme au cours de sa carrière militaire. L’article 90 de la LDN établit que l’absence injustifiée au travail constitue une infraction. Le plaignant a été jugé dans le cadre d’un procès sommaire et condamné pour absence injustifiée au travail, connue dans le contexte militaire sous le nom d’infraction d’absence sans permission.
  2. Le plaignant a plaidé non coupable et a informé l’officier présidant le procès sommaire qu’en raison de l’élément médical de l’infraction, un procès sommaire n’était pas le tribunal approprié pour entendre l’accusation et qu’il devait être jugé en cour martiale. Sa demande a été rejetée.
  3. Afin de se défendre, le plaignant a donc été contraint de communiquer des renseignements médicaux personnels privés lors d’audiences publiques dans le cadre de son procès sommaire. Le plaignant n’ayant pas déposé de demande de confidentialité, l’officier présidant le procès sommaire n’a pas fait évacuer la salle avant d’entendre les renseignements médicaux, et n’a pas proposé de les entendre en privé. Le plaignant estime qu’il y a eu atteinte à sa vie privée.
  4. Le plaignant a déposé une demande de révision en vertu de l’article 108.45 des ORFC au motif que l’officier qui a présidé le procès sommaire n’avait pas compétence pour le juger sommairement. La question de la confidentialité n’a pas été soulevée dans le cadre de la demande de révision. L’officier réviseur a conclu que l’officier qui a présidé le procès sommaire avait compétence pour juger l’accusation portée contre le plaignant et que ses conclusions étaient appropriées.

Position du MDN

  1. Dans ses observations, le MDN a fait valoir que les procédures suivies lors de procès sommaires sont soumises au principe protégé par la Constitution de la « publicité des débats judiciaires », selon lequel, en général, les procédures elles-mêmes, les documents au dossier de la cour ainsi que la décision résultante doivent être transparents et accessibles au public, sauf si la cour en ordonne autrement.
  2. Le MDN a déclaré que ses employés, le personnel des Forces armées canadiennes et les membres du grand public ont, par conséquent, le droit d’assister aux procès sommaires et que tous les renseignements fournis comme éléments de preuve à la cour font partie du dossier public, sauf si une demande de confidentialité a été déposée et qu’elle a été accordée par l’officier présidant le procès sommaire.
  3. Le MDN a fait valoir que les procédures suivies lors de procès sommaires sont de la seule responsabilité de l’officier présidant le procès sommaire. Ni le ministre de la Défense nationale ni aucune personne ayant un pouvoir délégué ne peuvent annuler la décision de l’officier présidant le procès sommaire d’imposer (ou non) des limites au principe de la publicité des débats judiciaires, sauf si une demande de révision a été déposée en vertu des ORFC.
  4. Le MDN a en outre fait valoir que si le plaignant avait soulevé la question de la confidentialité au cours du processus de révision, l’officier réviseur aurait évalué si l’officier qui a présidé le procès sommaire avait raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en obligeant la communication des renseignements.
  5. Selon le MDN, la Loi sur la protection des renseignements personnels ne peut être interprétée de manière à obliger le tribunal à abandonner ses propres objectifs légaux et ne peut pas non plus passer outre les principes constitutionnels qui sont imbriqués dans le principe de la publicité des débats judiciaires. Le MDN est d’avis que le Ministère n’a pas enfreint les droits du plaignant aux termes de la Loi.

Articles applicables de la Loi

  1. Pour rendre notre décision, nous avons pris en considération l’article 8 de la Loi.
  2. La Loi stipule que les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent – paragraphe 8(1) – ou ne peuvent être communiqués que dans les cas énoncés au paragraphe 8(2) de la Loi.
  3. L’alinéa 8(2)a) prévoit qu’une institution fédérale peut autoriser la communication de renseignements personnels aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins.
  4. L’alinéa 8(2)b) stipule qu’une institution fédérale peut autoriser la communication de renseignements personnels aux fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication.
  5. Conformément au paragraphe 69(2) de la Loi, les articles 7 et 8 ne s'appliquent pas aux renseignements personnels qui sont accessibles au public.

Analyse

Compétence

  1. Le plaignant estime que le procès sommaire n’était pas le forum adéquat où les Forces canadiennes devaient traiter l’affaire, car les procédures ont finalement conduit à une communication publique inappropriée de ses renseignements personnels. Plus précisément, le plaignant a fait valoir que l’officier qui a présidé le procès sommaire n’avait pas compétence pour procéder à un procès sommaire aux termes de l’article 108.06 des ORFC (et en particulier de l’alinéa 163(1)e) de la LDN). Le plaignant estime que son affaire aurait dû être traitée en cour martiale, ce qui, selon lui, aurait permis d’éviter que ses renseignements personnels soient communiqués lors du procès sommaire. Dans le cadre de la révision demandée par le plaignant, l’officier réviseur a conclu que l’officier qui a présidé le procès sommaire avait compétence pour juger l’accusation portée contre le plaignant. À notre avis, cette affaire ne relève pas du mandat du Commissariat et devrait être traitée par voie de révision judiciaire.
  2. Nous nous référons à l’affaire Thurrott c. Canada (Procureur général), 2018, qui portait sur une question similaire à celle décrite ci-dessus. Dans cette affaire, l’accusé, qui a également été reconnu coupable d’absence injustifiée au travail lors d’un procès sommaire, a déposé une demande de révision. La révision a confirmé le jugement. Il a ensuite déposé une demande de révision judiciaire de la décision de l’autorité de révision pour réexaminer le verdict ou la peine, conformément à la Loi sur les cours fédérales. Le requérant a allégué, en se fondant sur l’alinéa 163(1)e) de la LDN, que son affaire aurait dû être renvoyée devant une cour martiale.

La Loi sur la protection des renseignements personnels s’applique-t-elle aux procédures suivies lors d’un procès sommaire?

  1. Comme mentionné ci-dessus, les procédures des procès sommaires sont établies conformément à la LDN. Cette loi établit des procédures pour juger les membres des Forces canadiennes dans des affaires de violations présumées du code de discipline militaire (partie III de la LDN) et des ORFC. Conformément à l’article 163 de la section 5, les procès sommaires doivent être menés par des commandants, qui sont eux-mêmes membres des Forces canadiennes.
  2. Comme indiqué dans l’annexe de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le ministère de la Défense nationale (y compris les Forces canadiennes) est une institution fédérale aux fins de la Loi. Par conséquent, à notre avis, la Loi s’applique aux procès sommaires menés par des membres des Forces canadiennes.
  3. L’inclusion d’une entité s’apparentant à une cour de justice dans l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne serait pas une anomalie, car plusieurs tribunaux administratifs ont été nommément inclus dans l’annexe. Mentionnons, à titre d’exemple, la Commission canadienne des droits de la personne, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, la Commission de la fonction publique et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.

Qui a procédé à la communication des renseignements personnels en question?

  1. Bien que ce soit le plaignant lui-même qui a communiqué ses renseignements personnels lors du procès sommaire, sa plainte porte sur la communication devant le public au cours du procès sommaire, qui, selon lui, s’est produite sous la contrainte des Forces canadiennes.
  2. Dans ce contexte, nous comprenons que la plainte consiste en ce que les Forces canadiennes ont en définitive rendu publics ses renseignements personnels lors du procès sommaire en le forçant à les communiquer en audience publique. Nous sommes d’avis que la plainte contre les Forces canadiennes repose sur la conviction que ce sont elles qui ont causé (ou rendu) la communication publique.
  3. Par conséquent, les dispositions relatives à la communication de renseignements personnels par des institutions du gouvernement fédéral énoncées à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels s’appliqueraient. Nous avons ensuite analysé comment ces dispositions s’appliquent à ce cas particulier.

La communication a-t-elle été faite conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels?

  1. À notre avis, la communication au public des renseignements personnels du plaignant pendant le procès sommaire est conforme aux dispositions de la Loi en matière de communication. Notre position est conforme aux décisions jurisprudentielles pertinentes précédentes.
  2. Dans l’affaire El-Helou c Service administratif des tribunaux judiciaires, 2012, le juge Luc Martineau, siégeant en qualité de président du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal), a conclu que :

    [70] « Le régime global de la Loi exige que le Tribunal mène ses instances de manière transparente. Comme d’autres tribunaux quasi judiciaires, le Tribunal reçoit des renseignements personnels dans le contexte de ses instances. Ces renseignements peuvent provenir de la demande, de l’exposé des précisions, de la preuve documentaire à l’appui ou des témoignages qui lui sont livrés. Ces renseignements servent à atteindre un objectif fondamental : permettre au Tribunal de décider si des représailles ont été exercées. »

    [71] « De plus, le Tribunal est autorisé par la loi à statuer sur cette question, et il est maître de sa propre procédure. Ainsi, les renseignements que le Tribunal reçoit sont visés par les exceptions prévues aux alinéas 8(2)a) (un usage compatible avec les fins auxquelles les renseignements ont été recueillis) et 8(2)b) (une communication à des fins conformes aux lois fédérales) de la LPRP. »

    [77] (…) la LPRP « n’oblige pas le Tribunal à abandonner son propre objectif légal. (…) De même, la LPRP ne peut pas écarter les principes constitutionnels qui sous-tendent le principe de la publicité des débats judiciaires. En application du principe de la publicité des débats judiciaires, les renseignements personnels qui relèvent du Tribunal et que ce dernier reçoit dans le cadre de ses fonctions quasi judiciaires sont publics. »

  3. Comme mentionné précédemment, le système de justice militaire a plusieurs principes sous-jacents communs avec le système de justice civile. L’un de ces principes est que les procès sommaires doivent être publics par défaut. Les renseignements personnels du plaignant communiqués au public dans cette affaire provenaient d’un témoignage reçu dans le cadre des procédures suivies lors du procès sommaire afin que l’officier présidant le procès puisse émettre une conclusion, ce qu’il est autorisé à faire en vertu des articles 163 et 164 de la LDN.
  4. Nous sommes d’avis que dans ce contexte, les alinéas 8(2)a) et 8(2)b) permettent la communication publique, sans le consentement de l’individu, de tout renseignement personnel qui pourrait être fourni à l’officier présidant le procès sommaire au cours du procès, afin d’établir si une violation du code de discipline militaire a eu lieu. Nous convenons que, comme le plaignant n'a pas demandé la confidentialité, lorsque le témoignage a été fourni au cours des procédures judiciaires publiques, l'information est devenue accessible au public au sens du paragraphe 69(2) de la Loi.

Conclusion

  1. À la lumière de ce qui précède, nous considérons qu’il n’y a pas eu d’infraction à la Loi et nous estimons que cette plainte n’est pas fondée.

Autres questions

Communication de renseignements personnels dans le cadre de procédures judiciaires

  1. Bien que notre analyse n’ait révélé aucune infraction à la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous attirons l’attention du MDN sur les directives du Commissariat concernant la protection de la vie privée des personnes dans les décisions des cours et des tribunaux qui sont publiées en ligne.
  2. Plus précisément, nous encourageons le MDN à mettre en œuvre des mesures pour s’assurer que les participants aux procès sommaires sont informés, avant la tenue d’une audience publique, que les renseignements qu’ils communiquent dans le cadre de ces procédures sont considérés comme étant accessibles au public, et qu’ils sont également au courant de tout processus par lequel les renseignements personnels peuvent être protégés contre la communication.
Date de modification :