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Une compagnie aérienne compte sur l’exemption d’accès pour refuser aux voyageurs l’accès à leurs renseignements personnels

Rapport de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2017-009

Le 2 novembre 2017

Plainte déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi)

  1. Le plaignant a affirmé qu’une compagnie aérienne (le mis en cause) lui a refusé le libre accès aux renseignements personnels le concernant. Plus précisément, le plaignant a allégué que le mis en cause lui a refusé l’accès aux documents, aux notes et aux pièces de correspondance qui se trouvaient, directement ou indirectement, sous son contrôle et qui concernaient un incident survenu en 2015.

Résumé de l’enquête

L’incident

  1. En 2015, le plaignant s’est vu interdire de voyager à bord d’un avion.
  2. Plus précisément, le jour du départ, les responsables du contrôle des passagers ont déterminé que le plaignant ne détenait pas les documents appropriés et, en conséquence, ont conseillé au mis en cause d’interdire au plaignant de monter à bord de l’aéronef.
  3. Quelques mois plus tard, le mis en cause a fait parvenir au plaignant une lettre confirmant que les billets d’avion ne seraient pas remboursés, car il incombait au passager de détenir les documents de voyage requis. Plus particulièrement, le mis en cause affirmait que [traduction] « les responsables qui se trouvaient à l’aéroport pour effectuer le contrôle des passagers ont déterminé que [le plaignant] ne détenait apparemment pas de documents appropriés et ont conseillé en conséquence au transporteur de refuser l’embarquement [au plaignant] ».
  4. Par conséquent, le mis en cause indiquait qu’il devait [traduction] « envisager de suivre ce conseil d’expert sinon on le tiendrait responsable des passagers non munis des documents requis ».

La demande d’accès aux renseignements

  1. Peu de temps après, le plaignant a présenté au mis en cause une demande d’accès aux renseignements concernant :
    1. le dossier complet du passager et/ou l’historique de son dossier;
    2. les documents et/ou les notes et/ou les pièces de correspondance échangés à l’interne ou avec des tiers, portant sur le refus de la compagnie aérienne de le laisser monter à bord.
  2. Trois jours plus tard, le mis en cause a accusé réception de la demande et a précisé qu’il communiquerait une réponse dans les 30 prochains jours.
  3. Onze jours plus tard, le mis en cause a fait parvenir au plaignant une copie de tous les documents relatifs au numéro de référence de la réservation, dont un rapport d’interception. Or, le plaignant estimait que l’information reçue était incomplète.
  4. Le plaignant a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée (le Commissariat) concernant le refus du mis en cause de donner suite à sa demande d’accès à l’information, se rapportant particulièrement à la demande de communication de tous les documents échangés avec des tiers le jour de l’incident.

Les arguments de la compagnie aérienne

  1. En réponse à une liste de questions, le Commissariat a reçu plusieurs observations de la part du mis en cause expliquant la manière dont il avait donné suite à la demande d’accès à l’information du plaignant et indiquant les exceptions prévues par la Loi qui lui permettaient, à son avis, de refuser de communiquer d’autres renseignements au plaignant.
  2. En particulier, alors qu’il confirmait avoir communiqué au plaignant les renseignements concernant l’incident en question (à savoir le rapport d’interception), le mis en cause indiquait ne pas être en mesure de fournir d’autres documents, notes et pièces de correspondance échangés à l’interne ou avec des tiers, portant sur le refus de la compagnie aérienne de le laisser monter à bord, en application de l’alinéa 7(1)b) et du sous-alinéa 7(3)c.1)(ii) de la Loi (voir les dispositions applicables ci dessous).
(i) 7(1)b) Collecte à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement
  1. Au cours de l’enquête, le mis en cause a avisé le plaignant qu’il ne lui fournirait pas de [traduction] « copie des documents, des notes et des pièces de correspondance échangés avec des tiers, puisque la collecte des renseignements visés, a été effectuée à des fins liées à une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention au droit fédéral, au sens de [l’alinéa ] 7(1)b) de [la Loi]. Conformément à [l’alinéa] 9(3)c.1) de [la Loi], [le mis en cause] refuse de donner l’accès à ces documents et, suivant le [paragraphe] 9(5) de [la Loi], l’[intimé] en a dûment avisé le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ». Le Commissariat a reçu une copie de cette lettre.
  2. Le même jour, le mis en cause a avisé le commissaire, conformément au paragraphe 9(5) de la Loi, qu’il ne fournirait pas au plaignant [traduction] « de copie des documents, des notes ou des pièces de correspondance échangés avec des tiers […] La correspondance en question a été échangée avec [l’institution gouvernementale] et la collecte des renseignements a été effectuée à des fins liées à une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention au droit fédéral, au sens de [l’alinéa 7(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) ]». (nom omis)
  3. Plus particulièrement, lorsqu’il a été invité à clarifier pourquoi il estimait que la collecte des renseignements personnels du plaignant était raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention au droit fédéral ou provincial, le mis en cause a affirmé que la collecte des renseignements visait à évaluer la situation de voyage du plaignant.
  4. Le jour de l’incident, les responsables ont déterminé que le plaignant ne disposait pas des documents requis pour l’entrée au pays. Par conséquent, les renseignements ont été recueillis dans le but de faire enquête sur un cas possible de non conformité à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’institution gouvernementale a donc recommandé au mis en cause de refuser l’embarquement au plaignant.
(ii) 7(3)c.1)(ii) Communication à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement
  1. Le mis en cause a avisé par écrit le commissaire que la communication des renseignements avait été faite à l’institution gouvernementale [traduction] « au titre du [sous-alinéa] 7(3)c.1)(ii) afin de vérifier la situation de voyage du demandeur ». Suivant le sous-alinéa 9(2.1)a)(i) de [la Loi], le mis en cause a demandé à l’institution gouvernementale s’il pouvait communiquer les renseignements sollicités, mais « [l’institution gouvernementale] a refusé la communication de ces renseignements ». Par conséquent, le mis en cause n’a pas pu communiquer au plaignant les renseignements demandés, « en vertu des [alinéas] 9(2.4)a) et b) ». (nom omis)

Application

  1. Pour analyser les faits, nous avons appliqué l’alinéa 7(1)b), les sous-alinéas 7(3)(c.1)(ii) et 9(2.1)a)(i), les alinéas 9(2.4)a) et 9(2.4)b), les sous-alinéas 9(2.4)c)(i) et 9(3)c.1), le paragraphe 9(5), ainsi que les principes énoncés aux articles 4.3 et 4.9 de l’annexe 1 de la Loi.
  2. Suivant le principe énoncé à l’article 4.3 de l’annexe 1 de la Loi, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.
  3. Selon le principe énoncé à l’article 4.9 de l’annexe 1 de la Loi, une organisation doit informer toute personne qui en fait la demande de l’existence de renseignements personnels qui la concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été communiqués à des tiers, et lui permettre de les consulter.
  4. Aux termes de l’alinéa 7(1)b) de la Loi prévoit qu’une organisation peut recueillir des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement uniquement s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de l’intéressé compromette l’exactitude du renseignement ou l’accès à celui ci, et la collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention au droit fédéral ou provincial.
  5. L’alinéa 9(3)c.1) de la Loi prévoit qu’une organisation n’est pas tenue de communiquer à l’intéressé des renseignements personnels si les renseignements ont été recueillis selon l’alinéa 7(1)b).
  6. Selon le sous-alinéa 7(3)c.1)(ii) de la Loi, une organisation peut communiquer des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement que si la communication est faite à une institution gouvernementale ou à une subdivision d’une institution gouvernementale qui a demandé à obtenir le renseignement en mentionnant la source de l’autorité légitime étayant son droit de l’obtenir et le fait que la communication est demandée aux fins du contrôle d’application du droit canadien, provincial ou étranger, de la tenue d’enquêtes liées à ce contrôle d’application ou de la collecte de renseignements en matière de sécurité en vue de ce contrôle d’application.
  7. Le sous-alinéa 9(2.1)a)(i) de la Loi prévoit qu’une organisation est tenue de se conformer au paragraphe (2.2) si l’intéressé lui demande de l’aviser de toute communication faite à une institution gouvernementale ou à une subdivision d’une telle institution en vertu de l’alinéa 7(3)c), des sous-alinéas 7(3)c.1)(i) ou (ii), ou des alinéas 7(3)c.2) ou d).
  8. L’alinéa 9(2.4)a) de la Loi prévoit que, si une organisation est informée selon l’alinéa (2.3), que l’institution ou la subdivision de celle-ci, s’oppose à ce qu’elle acquiesce à la demande, l’organisation doit refuser d’acquiescer à la demande dans la mesure où celle-ci est visée à l’alinéa (2.1)(a) ou se rapporte à des renseignements visés à l’alinéa (2.1)(a)(ii).
  9. L’alinéa 9(2.4)b) de la Loi prévoit que, si une organisation est informée en vertu de l’alinéa (2.3), que l’institution ou la subdivision s’oppose à ce qu’elle acquiesce à la demande, l’organisation doit aviser par écrit et sans délai le commissaire du refus.
  10. Le sous-alinéa 9(2.4)c)(i) de la Loi prévoit que, si une organisation est informée en vertu de l’alinéa (2.3) que l’institution ou la subdivision s’oppose à ce qu’elle acquiesce à la demande, l’organisation ne doit pas communiquer à l’intéressé les renseignements détenus par l’organisation et relatifs à toute communication faite à une institution gouvernementale ou à une subdivision d’une telle institution en vertu de l’alinéa 7(3)c), des sous-alinéas 7(3)c.1)(i) ou (ii) ou des alinéas 7(3)c.2) ou d) ou à une demande faite par une institution gouvernementale ou une subdivision d’une telle institution en vertu de ces sous-alinéas.
  11. Selon le paragraphe 9(5) de la Loi, si une organisation décide de ne pas donner accès aux renseignements visés à l’alinéa (3)c.1), l’organisation doit en aviser par écrit le commissaire et doit lui fournir les renseignements qu’il peut préciser.

Conclusions

Collecte à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement

  1. Il s’agit de déterminer si le mis en cause était tenu d’obtenir le consentement du plaignant pour effectuer la collecte des renseignements personnels. De manière générale, selon le principe énoncé à l’article 4.3, l’intéressé doit consentir à la collecte de renseignements personnels, sauf en cas d’exception prévue par la Loi.
  2. Il est de notre avis, qu’en raison des circonstances, l’exception prévue à l’alinéa 7(1)b) s’appliquait dans cette affaire et par conséquent, le consentement du plaignant n’était pas requis pour la collecte de ses renseignements.
  3. Les preuves que nous avons obtenues indiquent que le mis en cause a effectué la collecte de renseignements personnels auprès de l’institution gouvernementale. En raison d’un manque de documents appropriés pour le pays, l’institution gouvernementale a déterminé l’existence d’une possible contravention au droit fédéral. Plus précisément, les renseignements ont été recueillis dans le but d’évaluer la situation de voyage du plaignant, notamment pour mener une enquête sur un cas de non conformité à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
  4. De plus, étant donné que les informations personnelles du plaignant ont été recueillis dans le but d’évaluer la situation de voyage de celui-ci, le Commissariat estime que, si le plaignant était au courant de l’objet de la collecte de ses renseignements personnels, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’échange réel de renseignements avec l’institution gouvernementale ait pu être compromis. En fin de compte, à titre de compagnie aérienne internationale, le mis en cause avait la responsabilité de vérifier l’exactitude des renseignements et des documents de voyage.
  5. Par conséquent, conformément à l’exception au consentement prévue à l’alinéa 7(1)b), il s’ensuit que le mis en cause pouvait effectuer la collecte des renseignements personnels du plaignant à son insu et sans son consentement, et ce, contrairement aux conditions prescrites habituellement par le principe énoncé à l’article 4.3.

Communication à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement

  1. Il s’agit de déterminer si les renseignements personnels du plaignant ont fait l’objet d’une communication. Dans la présente affaire, le mis en cause a communiqué à l’institution gouvernementale les renseignements personnels du plaignant, notamment les renseignements sur son identité et son passeport. Cette communication avait pour but d’aider l’institution gouvernementale à vérifier la situation de voyage du plaignant.
  2. Le Commissariat estime que la communication par le mis en cause des renseignements personnels du plaignant était visée par l’exception au consentement prévue au sous-alinéa 7(3)c.1)(ii). Plus précisément, le mis en cause a communiqué les renseignements personnels du plaignant à une institution gouvernementale qui faisait enquête et qui recueillait des renseignements aux fins du contrôle d’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

La procédure prévue par la Loi

  1. En vertu du principe énoncé à l’article 4.9, une personne a le droit de consulter les renseignements personnels qui la concernent et d’être informée de l’existence de ces renseignements, de l’usage qui en est fait et de leur communication à des tiers, l’article 9 de la Loi prévoit toutefois certaines exceptions, obligatoires ou discrétionnaires, à ce droit.
  2. En particulier, les paragraphes 9(2.1) et 9(2.4) établissent une procédure que doivent suivre les organisations quand une personne demande de l’information concernant toute communication de renseignements faite en vertu de certaines dispositions législatives, dont le sous-alinéa 7(3)c.1)(ii). Plus précisément, le paragraphe 9(2.4) prévoit une exception à la règle générale sur l’accès aux renseignements personnels énoncé à l’article 4.9.
  3. L’objectif de la procédure prévue aux paragraphes 9(2.1) à 9(2.4) est de protéger l’intégrité des enquêtes légitimes. Par conséquent, lorsque l’intéressé demande : a) à être informé de toute communication à laquelle s’appliquent ces dispositions ou de l’existence de renseignements dont dispose l’organisation relativement à cette communication ou b) à consulter cette information, alors l’organisation est tenue de suivre la procédure prévue au paragraphe 9(2.2), notamment de demander à l’institution gouvernementale visée si elle s’oppose, pour certains motifs, à ce qu’elle acquiesce à la demande, lorsque l’organisation a fait une communication à une institution gouvernementale ou à une subdivision d’une telle institutionNote de bas de page 1.
  4. Selon le libellé du paragraphe 9(2.4), c’est uniquement lorsque l’institution gouvernementale visée s’oppose à ce qu’elle acquiesce à la demande que l’organisation doit s’acquitter des obligations prévues par ce paragraphe. En pareil cas, elle doit notamment refuser d’acquiescer à la demande, en aviser le Commissariat et ne communiquer aucun renseignement précisé à l’alinéa 9(2.4)(c)Note de bas de page 2.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Commissariat estime que le mis en cause était limité quant à la manière dont il pouvait répondre à la demande d’accès à l’information du plaignant, conformément au paragraphe 9(2.4). Plus précisément, suivant l’alinéa 9(2.4)c), tous les renseignements détenus par le mis en cause, à savoir les renseignements personnels du plaignant, se rapportaient à la communication faite à l’institution gouvernementale, que le mis en cause n’était pas en mesure de divulguer, conformément à l’alinéa 9(2.4)a).

Décision

  1. Par conséquent, le Commissariat conclut que la plainte relative à la collecte et la plainte relative à la communication de renseignements ne sont pas fondées.
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