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Examen, prévu par la loi, de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques

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Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU)

Le 26 février 2009
Ottawa (Ontario)

Allocution d'ouverture prononcée par Lisa Madelon Campbell
Avocate générale par intérim

(LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI)


Le Parlement a édicté les premières dispositions relatives aux empreintes génétiques dans le Code criminel il y a près de douze ans. Ces dispositions législatives visent à faciliter l’obtention d’échantillons génétiques de personnes soupçonnées d’avoir commis toute une gamme clairement définie d’infractions graves et violentes. Ainsi, lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis une agression sexuelle et que l’ADN de l’agresseur présumé est découvert sur les lieux d’un crime, la loi prévoit un mécanisme d’obtention d’un mandat permettant la prise d’un échantillon d’ADN du suspect. La concordance entre les échantillons du suspect et ceux trouvés sur les lieux du crime est une preuve flagrante que le suspect s’est trouvé sur les lieux du crime.

D’autres dispositions législatives, soit la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, ont été édictées en 1998 et mises en vigueur en 2000. La loi a créé une banque nationale de données génétiques et autorise la collecte et le stockage d’échantillons biologiques, aux fins d'analyse de l’ADN, de toute personne déclarée coupable d’une infraction désignée, plutôt que simplement soupçonnée; il s’agit en général d’une infraction grave comportant de la violence. La GRC conserve la banque de données, qui est utilisée pour aider les organismes d’application de la loi à enquêter sur des crimes graves en comparant la base de données d’échantillons liés à des délinquants connus aux échantillons découverts sur les lieux d’un crime.

C’est le Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques qui surveille le fonctionnement de la banque de données. Le comité comprend un représentant du Commissariat, Mme Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée, ainsi que des représentants des milieux policiers, juridiques, scientifiques et universitaires. Le comité, qui se réunit deux ou trois fois par année, constitue un forum où on discute des questions d’ordre politique et opérationnel. Les gestionnaires de la banque nationale de données génétiques se sont efforcés de dissocier l’identificateur personnel de l’échantillon d’ADN afin que seul le personnel autorisé puisse avoir accès à l’information lui permettant de procéder à des enquêtes criminelles.

Le Commissariat à la protection de la vie privée ne s’est pas opposé à l’établissement de ce mandat limité pour permettre l’obtention d’empreintes génétiques des personnes soupçonnées de violence grave lorsqu'on découvre de l’ADN sur les lieux d’un crime. Il ne s’est pas non plus opposé à la création d’une banque de données génétiques d’échantillons pris auprès de personnes déclarées coupables d’infractions graves comportant de la violence.

Le Commissariat s’est prononcé en faveur de conditions et de contrôles précis pour la collecte d'échantillons d’ADN de suspects afin d’aider à déterminer leur culpabilité. Il a également préconisé des règles et des limites précises relatives à la collecte d’empreintes génétiques de délinquants déclarés coupables. De manière générale, les dispositions législatives de 1995 et de 2000 ont fait écho à ces préoccupations.

Toutefois, le Commissariat est préoccupé par l'apparente dérive de la législation sur l'ADN. Autant la loi de 1995 qui permettait de prendre des échantillons de certains suspects que les modifications ultérieures qui ont établi la banque de données génétiques montrent que ces dispositions visent principalement les infractions graves comportant de la violence. Si l’infraction n’est pas de cette nature, on n’accorde en général ni le pouvoir d’obliger un suspect à fournir un échantillon génétique ni celui d’inclure les données génétiques d’une personne déclarée coupable dans une base de données de criminels.

Depuis que la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques a été adoptée, la portée du régime d’empreintes génétiques a été élargie, d’abord par la Loi antiterroriste et puis par le projet de loi C-13. La Loi antiterroriste a inclus plusieurs nouvelles infractions et a déplacé certaines infractions de la catégorie des infractions secondaires à la catégorie des infractions primaires. Le projet de loi C-13 a élargi la liste d’infractions désignées à des actes criminels comme l’extorsion, le leurre par Internet, l’administration de substances délétères ou d’autres qui offrent peu de probabilités de constituer des lieux de crime où des échantillons génétiques peuvent être recueillis. Le Commissariat est d’avis qu’il n’y a aucune preuve justifiable montrant comment la collecte d’échantillons génétiques pour ces infractions nous aidera à bâtir une société plus sûre et plus juste.

Le Commissariat a demandé de l’information du gouvernement fédéral justifiant l’expansion de la base de données, mais il ne l’a pas reçue. Compte tenu de l’addition des infractions antiterroristes et des infractions prévues dans le projet de loi C-13, la justification du programme semble avoir été modifiée. Plutôt que de constituer un simple moyen pour lier les empreintes génétiques de délinquants qui ont commis des infractions graves de nature violente ou sexuelle à l’ADN trouvée dans les lieux d’infractions similaires, la banque de données est chargée des empreintes génétiques de délinquants qui ont commis une gamme beaucoup plus large d’infractions qui ne sont pas nécessairement de nature violente ou sexuelle. Le Commissariat à la protection de la vie privée voit ici un virage important de la justification d’une banque de données : elle ne devait s’appliquer qu’aux infractions désignées, soit des infractions de nature violente et sexuelle, qui peuvent comporter l’identification d’empreintes génétiques sur les lieux d’une infraction.

Le prélèvement d’un échantillon d’ADN au moyen d’un porte-coton imbibé de salive ou de cellules buccales peut sembler être une intrusion relativement mineure sur le plan physique, toutefois, la quantité d’information obtenue grâce à un échantillon d’ADN est beaucoup plus élevée que celle obtenue au moyen de toute autre source biologique. Selon une hypothèse importante concernant les banques de données génétiques, le degré d’homogénéité de l’ADN de la population à laquelle appartiennent les échantillons est suffisamment élevé pour affirmer que les différences trouvées dans un brin d’ADN sont statistiquement significatives. Les recherches scientifiques sur l’être humain sont loin d’être terminées. On a procédé au séquençage complet du génome humain en 2003, et les scientifiques ont une compréhension assez poussée de la composition technique de l’ADN. Cependant, on en connaît moins sur la structure et les fonctions très complexes du génome humain. Les données génétiques prélevées à partir d’un échantillon biologique peuvent révéler de l’information sur les liens familiaux, l’appartenance ethnique, l’origine, les caractéristiques physiques, les mutations génétiques et les prédispositions d’une personne. Les données génétiques représentent l’intersection entre les intérêts de la sécurité physique et ceux de la protection de la vie privée.

Nous sommes convaincus qu’en principe, le nombre d’infractions pour lesquelles on peut prélever des échantillons d’ADN et les intégrer à la banques de données génétiques doit rester limité, et que le choix des infractions pour lesquelles de telles mesures doivent être autorisées doit se fonder sur une justification clairement énoncée et démontrable.

Les gouvernements du monde entier ont mis en place des banques de données génétiques, toutefois, les tribunaux les mettent en garde contre une utilisation trop générale. La Cour européenne des droits de l'homme a récemment statué en faveur de deux citoyens britanniques qui affirmaient que la police britannique n’aurait pas dû conserver leurs échantillons d’ADN et leurs empreintes digitales étant donné qu’ils avaient été arrêtés mais qu’ils n’avaient pas été déclarés coupables d’infraction : S. et Marper c. le Royaume-Uni, décembre 2008. Les juges ont décidé qu’il s’agissait d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, à savoir, le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale. Ainsi, la Cour a déclaré que l’enregistrement systématique des profils génétiques et des empreintes digitales des personnes qui ont été acquittées, ou dont le procès a été suspendu avant condamnation, constituait une violation de leur droit fondamental au respect de la vie privée, conformément à la Convention.  

Plusieurs juges américains ont également formulé de sérieuses préoccupations concernant les banques de données génétiques, et ont statué que des recherches programmatiques et non fondées seraient considérées constitutionnellement non raisonnables.

Nous avons des préoccupations concernant les recherches axées sur un lien de parenté qui peuvent donner des résultats faussement positifs (révéler un lien de parenté alors qu’il n’y en pas) ainsi que des résultats faussement négatifs (des parents dont le profil génétique ne révèle aucun lien de parenté). Le Commissariat se demande si la banque nationale de données génétiques devrait pouvoir transmettre l’identité d’un condamné après avoir réalisé que les données du fichier criminalistique provenaient d’un parent proche de la personne, dans le fichier des condamnés.

La Loi autorise la banque nationale de données génétiques à échanger de l’information avec des pays étrangers, au cas par cas, conformément à l’alinéa 8(2)f) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous avons des préoccupations concernant l’échange de données génétique provenant de la banque, à l’échelle internationale. Nous croyons comprendre que cela se fait actuellement, au cas par cas, et conformément à des accords en matière d’aide juridique visant à protéger les renseignements personnels échangés. Le Commissariat à la protection de la vie privée recommande une surveillance et un contrôle rigoureux de l’échange de données génétiques avec les pays étrangers.   

Le Commissariat appuie la poursuite d’une saine gestion ainsi que les mesures de sécurité qui ont été mises en place contre une mauvaise utilisation de la banque nationale de données génétiques. Cela comprend faire une distinction entre les données génétiques et les données personnelles, interdire aux personnes non autorisées d’entrer dans la banque de données, et sanctionner celles qui essaient de le faire. Nous appuyons l’interdiction d’utiliser les échantillons dans le cadre de recherches, et sommes favorables à l’utilisation des données de la banque uniquement à des fins d’identification médico-légale.

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